Autant la finale de N1 masculine programmée samedi dernier à Créteil a été brève pour de mauvaises raisons, autant celle qui l'a précédée a duré pour des raisons acceptables. Dos à dos au bout de l'heure légale (27-27), la réserve du Metz HB et le Case Cressonnière se sont départagées aux jets de 7 mètres. Une séance ouverte avec succès, pour les prétendantes de la Réunion, par Eloïse Dewez. « Je ne pouvais pas me défiler. Je suis l'une des plus vieilles de l'équipe, avec le plus d'expérience. Je ne pouvais pas ne pas tirer le penalty alors que j'en tire en match. Je n'avais pas de souci pour passer la première. C'a lancé la machine. »
Aucune défaillance chez les trois coéquipières qui ont succédé (Pidolphe, Nice, Babou), contre deux échecs mosellans (Goval, Castets) en trois tentatives. La formation sise à Saint-André s'offre ainsi son premier titre de championne de France de N1, treize ans après celui de N2. Même vêtue du tee-shirt bleu alloué aux lauréates par la Fédération, lestée du tube en métal précieux tenant lieu de trophée, pas évident de mesurer illico la portée du coup de maître. De rester maîtresse de ses émotions. « On partait avec une grosse appréhension. » En face, « ce sont des filles de centre de formation, de futures pros, avec une exigence énorme, un coaching très bon. Mais on s'est dit que ça ne servait à rien de venir si on ne jouait pas ce match. On a mis les crocs. »
La faim de victoire, irrépressible, a recouvert la fatigue physique et mentale. Alors que la jeunesse messine n'avait plus joué depuis l'accomplissement de son Grand Chelem en saison régulière (22 succès/22), soit trois semaines, les Réunionnaises avaient dans les jambes les quatre levées du tournoi ultramarin préliminaire. « Ca s'est vu pendant le match. On a beaucoup moins couru qu'elles, souligne leur numéro 22. Ca s'est vraiment joué au mental. Cette victoire aux penaltys (4-1), c'est incroyable ! »
Victoire, titre pour la Cressonnière, ça relève presque du pléonasme. Finale nationale, tournoi ultramarin, mais aussi championnat insulaire, trophée Jacques-Royer (la coupe régionale), « la Coupe de la Ligue juste avant de venir ici » (à Créteil), la Coupe des clubs champions de l'océan Indien à Madagascar : aucune compétition n'a résisté à la force collective noir et or. « On a gagné tous nos matches de la saison, alors que l'objectif de base était simplement de gagner le championnat de la Réunion », sourit Eloïse Dewez.
A titre individuel, la collection complète des médailles valide un choix de vie fort. Formée à Abbeville, ex-pensionnaire du conservatoire dijonnais, retournée dans le Nord par la suite (Saint-Amand-les-Eaux en LBE, Lomme en D2), l'Amiénoise s'est laissée guider par ses sentiments à l'intersaison 2023. « J'ai choisi en pleine conscience d'arrêter ma carrière en métropole. Je me disais que le handball serait secondaire. » C'était avant d'avoir un coup de cœur pour le département 974 et l'une de ses entités phares. Ce vif quadragénaire qui avoisine les 300 licenciés. « L'équipe fonctionne, les filles travaillent depuis plusieurs années. Je suis arrivée en renfort. »
Le changement le plus radical touche au positionnement sur le terrain. Pivot jusqu'à la saison dernière, la Samarienne de 29 ans s'est métamorphosée en redoutable arrière gauche. « C'était son souhait. On en a discuté, confie Didier Ranguin, l'entraîneur de la Cressonnière. Elle a pris ses marques, c'est devenue notre buteuse. On l'a vu sur ce championnat de France (9/17 en finale)
», et bien avant en championnat (6,1 réalisations de moyenne en phase classique, 5,5 en play-offs). « Elle apporte du tir, du danger, de la grandeur. En défense aussi, elle est super importante. »
Sacrée plus-value, à tous points de vue. Pas seulement par son apport du haut niveau à un ensemble qui s'entraîne « deux, trois fois par semaine », loin du rythme soutenu des réserves pros fournisseuses d'internationales jeunes et juniors comme Metz. « C'est le leader handballistique de l'équipe, insiste le technicien installé depuis moins d'un an. A l'entraînement, en match, dans la vie de groupe, elle est toujours à fond. Ce n'est pas une tricheuse. » Et le succès le plus récent, sans conteste le plus retentissant, démontre qu'à la Réunion, Dewez est dans le vrai.