Elisabeth Chavez Hernandez, de son nom complet, culmine à 1,92 m sans prendre quiconque de haut. Voilà treize saisons que la plus grande joueuse de Ligue féminine sous la toise promène son esprit sain, sa science de la défense en poste 3, sur les terrains de France... et de Navarre, ça va de soi. Une figure tellement familière, installée dans le paysage hexagonal, qu'on la penserait éternelle. Comme sa compatriote Marta Mangué. Sauf qu'à 34 printemps, la pivot espagnole du HBPC (près de 200 sélections A) se retirera dans quelques semaines, à la fin du championnat en cours. Avec, probablement, le sentiment du devoir accompli. Trop loin des places européennes, trop loin du stress du maintien, les Provençales d'Angélique Spincer voguent en septième position (8 victoires, 10 défaites). Dans les eaux de leur classement de l'an dernier, le meilleur de leur jeune histoire dans l'élite. Celle du grand livre d'Eli a commencé il y a plus de vingt ans, aux îles Canaries...
2005-2007 : sous statut VAP
Après seulement trois ans de pratique, l'adolescente débutait en Première division quand elle en a eu 15, à La Perdoma. « Un petit club qui venait de monter, pas encore structuré. » Son potentiel, sa précocité ne pouvaient que l'amener sur le continent. « A l'époque, il y avait des regroupements de 40 joueuses pour partir à seize en équipe nationale jeunes. On m'a repérée là, j'ai eu des propositions. Je décide de partir de chez moi, de Tenerife, à Valence. A l'époque, l'équipe (Mar Sagunto) jouait la Ligue des Champions, était championne d'Espagne. On m'a proposé d'aller au centre de formation, mais aussi en équipe première. Je me suis dit que j'avais peut-être une chance de devenir joueuse professionnelle. »
14 décembre 2008 : première finale internationale
Sévèrement battue par la Norvège (21-34), l'Espagne est vice-championne d'Europe en Macédoine du Nord. Tout juste majeure, Eli Chavez est la benjamine du collectif de Jorge Duenas. « C'était mes premières sélections. Je faisais les changements attaque-défense, je jouais en défense. C'était aussi le début d'un changement pour l'équipe d'Espagne. Avant, on ne réussissait jamais à avoir des médailles. Cette année-là, c'était la première. C'était un moment très spécial pour les anciennes (Garmendia, Oncina), qui voulaient partir à la retraite avec une médaille, et les jeunes joueuses. C'était incroyable d'y arriver. On avait fait un très beau championnat. » L'argent reviendra six ans plus tard.
11 août 2012 : le podium olympique
A Londres, huit mois après une médaille de bronze mondiale, les Ibériques soufflent la troisième place à la Corée du Sud (31-29 après deux prolongations). « Avec la médaille de 2008, c'est le moment le plus fort de ma vie professionnelle. J'ai accompli mon rêve d'enfant, de joueuse, le rêve de tout sportif. C'était aussi la reconnaissance de notre travail. A l'époque, on n'était pas trop égales avec les hommes », éliminés par les Experts en quarts. Une sorte de pied-de-nez en métal précieux à la fédé (RFEBM)...
Eté 2012 : arrivée en France dans l'urgence
« Pendant les JO, le président de Sagunto nous appelle. Il nous dit que le club va déposer le bilan. A ce moment-là, on se met toutes à chercher des clubs. J'ai un contact avec Sébastien Gardillou, qui part à Nice (promu en D1). Je me suis dit que c'était un bon compromis. La France est à côté de l'Espagne, ne change pas trop de chez nous... Les six premiers mois ont été compliqués : je ne parlais ni français, ni anglais. Après, ça s'est très bien passé. Je me suis adaptée à votre culture, votre manière de vivre, votre hand plus physique et costaud qu'en Espagne. Treize ans plus tard, je suis encore là (rires) ! » Alors qu'elle envisageait un retour au pays après deux saisons...
27 mars 2016 : victoire en Coupe de
la Ligue
La finale remportée contre... Nice avec Fleury-les-Aubrais, rejoint à l'intersaison précédente, est la seule ligne ''française'' de son palmarès. « Un moment important, avec un club que j'ai beaucoup apprécié. Un club avec de grandes ambitions, qui est resté familial. J'y étais très épanouie. On avait une équipe extraordinaire, très complète »... et très espagnole. Avec Cabral, Mangué, Zoqbi de Paula, Fernandez Ibanez et Lopez Herrero, Fred Bougeant en comptait six au total.
2019 : signature à Plan-de-Cuques
Plus qu'une sollicitation, c'est une main tendue qu'offre Grégory Capelle, alors entraîneur d'une formation de D2. « J'avais été blessée aux ligaments croisés du genou à Nantes. J'ai passé un an et quatre mois à récupérer, j'étais dans le pire moment de ma carrière. » Malgré « des propositions d'équipes de D1 », le choix du « compromis » prévaut encore. « Je voulais avoir le temps de bien récupérer, et aider aussi Plan-de-Cuques à monter en Première division. » Mission doublement accomplie, reconnaissance éternelle. « C'est mon club de cœur, qui a été là quand les choses étaient très compliquées pour moi. Je ne peux que le remercier de m'avoir donné l'opportunité de continuer à jouer. Je me disais que je resterais un an ou deux, le temps que mon genou récupère. Quand je suis arrivée, j'ai compris tout de suite que je n'allais pas partir. » Mise en abîme de l'attachement...
24 septembre 2022 : débuts d'entraîneure adjointe
Joueuse en LBE, assistante de Charline Bellenger puis d'Arnaud Hays sur le banc de la réserve. Du moins, quand les calendriers sont compatibles. Le dédoublement de personnalité a cours depuis ce succès inaugural 31-16, en N2, contre Cagnes-sur-Mer. La promotion en N1, où Plan-de-Cuques campe actuellement en milieu de tableau, est arrivée du premier coup. « Ce rôle me plaît fortement. J'apprécie surtout de voir l'évolution des joueuses qui s'entraînent avec moi. Ce n'est pas toujours évident, mais ça se passe bien. Pendant trois ans, ce rôle m'a beaucoup apporté, comme j'ai pu apporter des choses aux jeunes. Mais je ne continuerai pas l'année prochaine. »
11 février 2025 : une coéquipière s'éteint
Difficile, encore, de s'exprimer sur le décès de la gardienne Jemima Kabeya, emportée par une méningite. Le choc, l'épreuve du deuil ont solidifié les liens déjà forts entre Cuquoises. « Cette année a été très compliquée pour tout le monde, surtout mentalement. On est fières de notre équipe, de nos valeurs, de ce que l'on fait tous les jours. On est une équipe soudée, qui se bat pour nous et surtout pour elle. » Depuis la disparition, le HBPC a signé trois victoires (Mérignac, à Paris, Aulnoye) et trois revers (Saint-Maur, à Besançon, Saint-Amand).
8 juin 2025 : der des ders
Sauf imprévu, Eli Chavez sortira de scène par la grande porte. A Brest. Comme elle l'avait planifié, annoncé, dès le début d'exercice. « J'essaie de ne pas y penser, de vivre au jour le jour, match après match. » Quelle vie après l'arc des 6 mètres ? « Ca fait un moment que je réfléchis à une reconversion professionnelle. J'ai des diplômes en Espagne, que je n'arrive pas à faire valider en France. J'ai envie de me reconvertir en France, de rester à Plan-de-Cuques. »
Strasbourg/Achenheim – Plan-de-Cuques (19ème journée de LBE), samedi 19 avril à 20h30