A pleurer, à hurler, à se taper la tête contre les murs... Comment cette équipe de France a-t-elle pu être autant naïve et offrir la qualification aux Allemands qui sur la dernière minute du temps règlementaire, ont remonté un handicap de deux longueurs ? Comment ces joueurs qui évoluent tous dans des grands clubs et leur staff ont-ils manqué de lucidité pour aussi mal gérer ces six dernières secondes avant une prolongation qui n'aurait jamais dû exister ? Ce mercredi soir, c'est un double sentiment de frustration et de tristesse qui domine. Sans doute que les handballeurs tricolores avaient trop bien habitué tous ceux qui les suivent et les supportent. Depuis Pékin en 2008, ils n’avaient jamais raté le dernier carré des Jeux et par trois fois, ils avaient même décroché l’or. Et c’est à la maison devant plus de 27 000 personnes en majorité acquises à leur cause que l’impensable survient. 

Depuis le 27 juillet, leur parcours avait été chaotique. Pas de quoi réconcilier les esthètes du handball mais l’objectif de basculer sur les quarts avait été atteint. Et comme face à la Hongrie, lors de la dernière rencontre de groupe, il y avait eu un léger mieux, une plus grande solidarité, on s’était dit que cela ne pouvait que s’améliorer. 

Impression confirmée dès l’entame face à l’Allemagne. Avec des rouages bien huilés, une défense autour avec un axe central en dissuasion face à la puissance de bras et à la stature des arrières de la Mannschaft, des attaquants qui montent des ballons et surtout Vincent Gérard qui transpire la performance. Alfred Gislason qui pose un temps mort avant la fin du 1er quart d’heure… inhabituel quand on connait l’individu. Il venait de renvoyer Andreas Wolff pour manque d’efficacité (0/9 arrêt) sur le banc et lancer David Späth. Les Bleus ne vont pas s’embarrasser de ce changement et malgré quelques scories, vont faire fructifier leur avance (11-16 à la 23è). Quand à ce moment-là, Vincent Gérard sa 9ème parade et qu’il ne donne aucun signe de relâchement, il y a de quoi se sentir totalement… sécurisé. Pour autant, les Allemands qui passeront 40 minutes à courir après le score, vont relever la tête. Notamment par leurs deux latéraux Heymann et Uscins et leur gardien David Späth. Douze buts inscrits contre six concédés, c’était suffisant pour basculer en tête. Avance que les Bleus vont très vite leur contester (28-29). Un temps mort (inopportun alors que le bras n'est pas levé) et six secondes en infériorité numérique à gérer pour entrevoir la terre promise du dernier carré face à l’Espagne. Dika Mem, irréprochable jusque-là, va rendre le ballon à Julian Köster et Renars Uscins sera trop heureux de remettre les deux formations dos à dos.   

Prolongation irrespirable entre une équipe remise en selle et parfaitement boostée et une autre qui a laissé le doute et la crainte s’installer. Malgré quatre réalisations consécutives d’Hugo Descat et l’égalisation de Nedim Remili, il n’y aura pas de miracle pour les Français. Ils auraient pu au mieux espérer une seconde période additionnelle mais leur bourreau de la fin du temps règlementaire, va les crucifier… sans espoir de rédemption (35-34). 

Vincent Gérard, Valentin Porte et surtout Nikola Karabatic qui ont annoncé que ces Jeux seraient leur dernière apparition en sélection nationale auraient sans doute préféré une autre sortie. 

Arbitres : Mads Hansen & Jesper Madsen (Danemark)

Evolution du score : 4-3 (5) 5'5 (10) 8-11 (15) 10-12 (20) 12-16 (25) 14-17 (MT) 18-21 (35) 20-22 (40) 23-25 (45) 25-25 (50) 26-27 (55) 29-29 (60) 32-32 (65) 35-34 (FIN)

365ème sélection et l’épilogue le plus douloureux qui soit pour Nikola Karabatic. A 40 ans, 4 mois et 27 jours, le joueur le plus emblématique du hand tricolore fait ses adieux sur un échec. « Cela fait partie du sport, c’est comme ça, concède-t-il au micro de France TV. J’ai gagné énormément dans ma carrière… le déroulé du match est cruel… on doit le gagner, il y a 1% de chances qu’ils reviennent et qu’ils gagnent, c’est terrible que cela se passe ainsi. Mais il faut l’accepter. Je savais que ce match pouvait être le dernier, j’aurais aimé aller en demi et gagner une médaille de plus, pour l’équipe, pour moi, pour mon frère, pour nos supporters, c’est dur mais je suis heureux d’avoir joué avec cette équipe et d’avoir tout donné, d’avoir participé à ces Jeux et avoir vécu cette atmosphère. Quand on repense à notre début de compét, on aurait très bien pu ne pas se qualifier, je veux retenir cette ambiance incroyable qui nous a accompagnés tout au long de ces Jeux. »

Autre futur retraité,  Vincent Gérard dont on retiendra une exceptionnelle prestation sur ce quart de finale (24 arrêts), un retour réussi après une galère de plusieurs mois à Kiel puis une résurrection bluffante à Istres mais aussi cette élimination qui donne évidemment la migraine. « Je ne sais pas trop quoi dire, c’est dommage, c’est compliqué, on pensait avoir gagné le match et c’est un petit coup du destin comme ça que nous réserve le sport. C’est une grosse désillusion… mais c’est comme ça. J’espérais jouer encore deux autres  matches derrière mais là, c’est la retraite, c’est la vie… J’arrête. »

C’est également Valentin Porte que nous voulions saluer. On se rappelle ton dégôut lorsqu’il y a huit ans à Rio, la médaille d’or olympique t’avait filé entre les mains après le succès en finale des Danois. Tu as pu la décrocher à Tokyo. On aurait aimé que tu en collectes une seconde, cet été. Cela n’entame en rien le profond respect et toute la reconnaissance que nous avons pour toi. 

Le regard dans le vide avant la prolongation conscient de la bévue qu'il venait de commettre, allongé sur le parquet à la fin, pendant que les Allemands fêtaient légitimement leur qualification, complètement anéanti, Dika Mem aura besoin de temps pour oublier cette triste fin en queue de poisson. « C’est terrible, confesse le gaucher du Barça au micro d'Eurosport. J’ai l’impression d’avoir lâché l’équipe. Bien sûr après il y a eu des prolongations et on aurait pu mieux faire, mais on aurait pu gagner le match avant. Je suis vraiment déçu de cette passe. Et je suis désolé car ce n’était pas du tout mon intention. »