Mathieu Lanfranchi pourrait parler de handball pendant des heures. Pourquoi employer le conditionnel, d'ailleurs ? « J'ai rencontré mon coach personnel en marge d'un événement, illustre-t-il. Dans un hall d'hôtel, notre discussion est partie de rien. On a commencé à accrocher sur l'aspect psychologique des joueuses, de la formation, et ç'a bien duré entre trois et quatre heures. Jusqu'à 2 h du matin, autour d'un verre de rhum (consommé avec modération). »
L'entraîneur de Chambray-les-Tours, arrivé de Nantes à l'été 2022 et engagé en Indre-et-Loire jusqu'en 2025, n'est évidemment pas le seul de sa caste à vivre, penser, respirer balle collante. Mais tous ses confrères n'habitent pas à 300 mètres de leur lieu de travail, en l'espèce la Fontaine-Blanche du CTHB. Et quand l'ancien pivot engage la conversation avec l'un deux, quel thème abordent-ils ? « Ca m'arrive régulièrement d'appeler d'autres coaches. Il y a des choses que je cherche à comprendre. Pourquoi avoir fait tel ou tel changement, choisi ce côté de défense, par exemple. Et avec mon staff, Gautier Boivin (adjoint) et Pierre Chenu (préparateur physique), nos visions ne sont pas toujours exactement les mêmes. Ca fait des points de vue différents. »
Avec Lanfranchi, le dialogue technico-tactique est toujours ouvert. L'engagement tenu d'un passionné, avec un P majuscule. Féru « de jeu, de compétition » avant tout, précise celui qui « gamin, détestai(t) perdre, quitte à devenir très mauvais perdant » (version édulcorée). Son ami de (plus de) trente ans, le natif du XIème arrondissement parisien l'a connu au collège, peu après son déménagement dans l'Eure. « J'avais essayé le basket, le foot, un peu le tennis. Ca ne collait pas. Par la force des choses, je me suis retrouvé au hand. Mon prof d'EPS était entraîneur au club de hand de Verneuil-sur-Avre, dont le gymnase était celui du collège. J'y ai mis les pieds en fin de 5ème, et je n'en suis jamais reparti. » Une saine addiction imputable à « un aspect combativité physique que j'aime beaucoup. Ce sont des valeurs inhérentes au handball. Aujourd'hui, on ne peut pas jouer sans cette part de combat. »
« Je regarde très peu de matches en spectateur »
Parallèlement à ses premiers émois sur l'arc des 6 mètres, ce « besogneux » autoproclamé s'est épris du banc, du management. « J'ai passé mon premier diplôme d'entraîneur en 2000, dans mon club. A la base, c'était pour lui rendre service. Comme je faisais des études de STAPS, cette notion de transmettre et d'entraîner était présente depuis très longtemps. » Elle a été mise sous le tapis le temps de mener une carrière professionnelle en rimes riches (Vernon, Dijon, Cesson), puis dépoussiérée il y a six ans, au moment de prendre les rênes du centre de formation cessonais et d'en faire monter les talents en N1.
« Si être passionné, c'est s'intéresser à tous les aspects de la pratique, je peux dire que je le suis. Quelqu'un, au club, m'a dit d'arrêter de penser 24 h/24 au handball. Je n'ai rien dit, mais c'est très mal me connaître. Toute ma vie est organisée autour de cela. Ca m'arrive même de noter quelque chose quand je me réveille la nuit... » Addict à 360°, Lanfranchi a des centres d'intérêt dans le centre d'intérêt : l'histoire et la compréhension du jeu. Cas concret : « On fait tous des yagos, certes, mais on ne les fait pas du tout avec la même intention. En fonction des athlètes qu'on a, des athlètes en face, de la forme de défense, etc. J'aime comprendre, échanger sur ces choses-là. Mais il me manque du temps et de l'argent pour prendre une année sympathique (sic), aller dans d'autres pays, voir d'autres cultures. » Le tacticien ne l'a fait que furtivement, le temps d'une saison madrilène à l'aube de sa carrière (2003-04) et en marge des déplacements chambraysiens en Ligue EHF, jusqu'à la phase de groupes cette saison.
S'appropriant la doctrine tactique de Pep Guardiola - « Je suis un voleur d'idées, je n'ai rien inventé » -, ayant comme livre de chevet les confessions de l'ex-All Black Dan Carter, le père de Nino (9 ans ce mardi) et Elya (bientôt 2 ans) en voit autant qu'il en dit et lit. « Je regarde régulièrement au moins quatre matches (de LBE), des matches européens féminins, un ou deux matches de Starligue par semaine, la Ligue des Champions masculine en fonction des timings, et de très vieux matches de handball de temps en temps. Il y en a très peu que je regarde en spectateur. »
« La pression en fin de saison, un privilège »
Quand son équipe joue, l'affectif prend parfois le dessus en bord terrain. « Je suis assez expressif, je vis les événements. Tout est une question d'équilibre. Maîtriser ses émotions fait partie de l'activité. Ca se travaille, ça vient avec l'expérience. Ce qui me drive, c'est l'idée de partage. Partager des émotions, des victoires, des défaites. J'ai été centré la-dessus toute ma carrière. Toutes les émotions ont de la valeur que parce qu'elles sont collectives. » La plus forte vécue avec Chambray renvoie à mai 2023. A la dernière journée du championnat écoulé. A une quatrième place synonyme d'Europe fêtée aux Arènes, parallèlement au 25ème titre national de Metz.
Mathieu Lanfranchi et ses Skyblues ne revivront pas pareilles scènes le mois prochain. D'une part, parce que le prochain déplacement à Metz est fixé au 12 mai, à trois journées de la fin du championnat. Et d'autre part, parce que le CTHB n'est pas certain de terminer à nouveau dans le Top 5, malgré ses cinq longueurs d'avance sur ses poursuivants. « Aujourd'hui, on est dans les clous, mais Dijon et Plan-de-Cuques peuvent encore nous griller la politesse. Sans jouer les Calimero, on a le pire calendrier. On finit par Metz, Brest et Nantes. On a des blessées de longue date (Stoiljkovic, Houette), un effectif relativement court avec douze professionnelles. On a eu une prépa complètement tronquée, avec la fracture de fatigue au pied d'une fille, une main cassée au bout d'une semaine d'entraînement, un nez cassé, une mononucléose, etc. On s'offre une fin de saison avec de la pression, et c'est un privilège. »
Chambray-les-Tours – Mérignac (21ème journée de LBE), vendredi 19 avril (20 h)