Etre, ou avoir été, championne du monde n'est pas l'unique critère d'admission au temple de la renommée des gardiennes de but de l'OGC Nice. Entre Valérie Nicolas, qui y a achevé sa carrière sur une accession en D1 (2012), et Hatadou Sako, qui y a fait ses preuves dans l'élite (2016-20), Marija Colic a acquis toute sa légitimité au panthéon des Alpes-Maritimes. A l'ancienneté. Arrivée en 2016, dans un contexte doublement pesant (le dépôt de bilan quelques mois plus tôt de Nîmes, son premier club en France, et l'attentat du 14 juillet sur la Promenade des Anglais), la Serbe de 33 ans (34 le mois prochain) n'a jamais cédé à la tentation de Venise, ni d'ailleurs. La saison en cours est sa huitième chez les Aiglonnes, et il y en aura trois de plus : son contrat a été récemment prolongé jusqu'en 2027. Adorer voyager, comme l'intéressée l'avoue, n'empêche pas d'avoir un côté casanier...
« Trouver un club où l'on se sent comme à la maison, ça fait aimer son métier, et quand on l'aime, ce n'est pas difficile de partir travailler », raisonne l'Azuréenne d'adoption, férue de traditions et d'événements locaux. « La Fête du citron à Menton, le festival du mimosa à Cannes », ont égayé son début d'année. Jusqu'à être partie intégrante du carnaval de Nice. « Une belle et incroyable expérience », pour laquelle l'OGCN a arboré des maillots collector lors du match de LBE joué pendant cette période.
Avec ou sans costume, Colic partage avec la demi-centre égyptienne Ehsan Abdelmalek (36 ans) une fidélité sans faille à l'ensemble rouge et noir. Développée au fil de plus de 150 matches de Ligue féminine, hors coupes nationales et européennes. Les deux guides connaissent par cœur les arcanes, les chausse-trapes du championnat. Veillent sur les coéquipières moins aguerries, souvent issues du centre de formation. « Avec les jeunes, Marija est comme une grande sœur, valide Clément Alcacer. La bienveillance est son maître mot. Jamais avare de conseils, elle les pousse à se transformer, à toujours progresser. » « J'aime parler avec les jeunes joueuses, plaisanter avec elles, confirme la tutrice. C'est toujours un plaisir de pouvoir les aider, et c'est ce que je préfère dans mon travail. Je sais combien les joueuses plus âgées m'ont aidée lorsque j'étais plus jeune. C'est maintenant mon tour de transmettre à la nouvelle génération. »
Sous la responsabilité du coach principal pour l'analyse vidéo, et de Charles Lairy pour les séances spécifiques, le « petit gabarit » (1,74 m) qu'est Marija Colic est associé depuis quelques mois à l'Espagnole Nicole Wiggins, de dix ans sa cadette. « Elle l'a tout de suite accueillie à bras ouverts », rembobine Alcacer. Auparavant, elle faisait la paire avec Hatadou Sako, plus récemment avec la Tchèque Lucie Satrapova. « Chacune est différente, a sa façon de se battre pour devenir la meilleure version d'elle-même, dit la native de Blace au sujet de ses binômes successifs. Je suis très fière de tout ce qu'Hatadou a fait. Lucie est devenue maman, Jovana (Micevska, Nord-Macédonienne, 2019-23) montre très bien son talent en Roumanie, et Nicole a un grand avenir devant elle. »
Enjouée en interview, attentionnée et « très reconnaissante » envers son entourage sportif et familial, la vice-championne de France 2019 se métamorphose à la moindre odeur d'enjeu. « Elle incarne la compétitrice à l'état le plus pur, définit son entraîneur. Marija veut tout gagner, que ce soit à un jeu de grattage ou un match important. » Sur ce dernier point, on imagine sans peine la frustration de la trentenaire, aux deux tiers d'un parcours en LBE en deçà des attentes. Trop éloigné des places européennes, a priori hors de danger pour le maintien, Nice (9ème, 28 pts) compte seulement cinq victoires, dont deux coup sur coup : 28-22 contre Achenheim, 28-29 à Toulon. « Nous avions des objectifs plus élevés en début de saison. Nos résultats ont changé nos plans. Nous espérons finir huitièmes (*), pourquoi pas septièmes avec un peu de chance. Personne ne nous donnera de victoire facile. »
En particulier Plan-de-Cuques, cet impétrant qui dispute la suprématie régionale à Nice et Toulon. Lors du match aller, le prochain adversaire de passage à Charles-Ehrmann (6ème, 35 pts) s'était largement imposé (35-26). Dernièrement, « nous avons su monter notre niveau de jeu. Ca nous donne l'espoir de pouvoir gagner à domicile », observe la finaliste de la Coupe de France 2015 (avec le HBCN gardois). Si sa formation réussit la passe de trois, ce serait inédit depuis mars-avril 2022. « J'ai beaucoup de respect pour Plan-de-Cuques. Cette équipe a un beau projet, mais notre travail samedi sera d'essayer de contrarier ses plans. » En usant à bon escient, dans son cas, de « sa grande connaissance des shooteuses adverses », de sa capacité à être « forte dans les duels » (Alcacer).
En équipe nationale, celle qui a arrêté ses premiers tirs à 8 ans, dans sa ville natale, pourrait verser une larme le 7 avril. Ce jour-là, en marge d'une rencontre de qualifications à l'Euro à la Turquie, la gardienne également passée par l'Etoile Rouge de Belgrade tirera officiellement sa révérence. Un match du tour principal du Mondial contre le Japon, le 11 décembre dernier (perdu 22-20), était en effet son 37ème et dernier en A avec la Serbie. « J'ai joué pour mon pays depuis mes 15 ans, plus de la moitié de ma vie. Je pense que c'est assez. Cette dernière année est très spéciale, je la termine avec le plus beau sentiment possible. Celui que mon équipe m'a montré beaucoup d'amour et de respect. » Même si elle voyagera à l'avenir moins à travers l'Europe et le globe, celle qui aura disputé trois Mondiaux et deux Euros trouvera assurément une alternative pour assouvir son rêve le plus cher : « tester tous les cafés du monde ». Marija Colic, qui d'autre ?
(*) l'OGCN accuse cinq points de retard sur les équipes qui le précèdent, Besançon et Dijon (septièmes ex aequo).
Nice – Plan-de-Cuques, 18ème journée de LBE (samedi 9 mars, 20h30)