Jumeaux, mais pas trop. Sur un terrain, Karl et Kiara Tshimanga (21 ans) ont des affectations différentes. Lui garde la cage de Boulogne-Billancourt, 10ème sur 12 de la poule fédérale de Nationale 1, celle qui donne accès à la Proligue. Elle est ailière gauche à l'ES Besançon depuis 2020. Le premier a d'abord tapé dans un ballon de foot, la seconde s'est brièvement essayée à la natation et au tennis. Avoir été initiés au hand à bonne école réunit frère et sœur. En l'occurrence, un établissement primaire du XVIIème, l'arrondissement parisien où la famille s'est installée un an et demi après la double naissance à Colombes (Hauts-de-Seine). « En CE2, quelques élèves participaient à des rencontres contre une autre école, se souvient la jeune femme. Dès qu'on a commencé à s'entraîner, j'ai accroché directement. Je me suis tout de suite bien débrouillée dans ce sport. Et avec de l'entraînement plusieurs fois par semaine, j'ai découvert mes qualités physiques. »
« Je vis, je mange, je dors hand »
Sa « très belle découverte » s'est muée en passion dévorante. « Ma personnalité s'est construite autour du hand. En dehors des entraînements, je regarde des matches. Je vis, je mange, je dors hand. » La signature de son premier contrat de joueuse professionnelle (courant jusqu'en 2025), l'an dernier, allait donc de soi. Comme le fait de l'avoir paraphé à l'ESBF, le club qui l'a accueillie en 2020, année charnière. « Ca faisait trois saisons que j'étais à Issy/Paris. Ca se passait très bien, mon profil de joueuse convenait au projet de jeu. Il y avait des moyens financiers, mais pas assez pour faire entrer une sixième joueuse du centre de formation. Comme je venais de Paris, c'est moi qui ai sauté... » Ne pouvant se satisfaire d'un rôle de « partenaire d'entraînement », la sortante du pôle espoirs de Châtenay-Malabry a accepté la proposition last minute bisontine. « C'était un choix sans être un choix. » L'argument qui a compté double ? « Je pouvais enfin évoluer sur le poste que je voulais. Je suis Les clubs ne savaient pas que j'étais ailière. Quand je jouais à Issy, j'étais arrière. »
Sébastien Mizoule, lui, connaissait la vraie nature de sa recrue. Alors directeur du centre de formation franc-comtois et de l'équipe réserve, il l'a replacée derechef en poste 1. Pendant l'exercice 2020-2021, Kiara Tshimanga s'est acclimatée, perfectionnée en compagnie de la titulaire de l'époque, pas encore championne olympique et du monde : Chloé Valentini. « Elle m'a conseillée par son jeu, sa précision. Elle m'a vraiment aidée à mettre toute cette rigueur, cette application, et à oser plus. Forcément, quand on est une petite Parisienne de 17 ans, qui découvre une autre région et un autre club, faire sa place n'est pas facile. Des joueuses comme Chloé nous poussent à donner le meilleur de nous-mêmes, à oser faire des choses en match. »
La figure tutélaire partie à Metz, l'élève reste imprégnée par ses préceptes. Et demeure régulière, statistiquement parlant (entre 1,7 et 2 buts par saison en LBE). « Je suis toujours en apprentissage, concède la numéro 15 rouge. J'ai mis du temps à m'adapter au poste d'ailière. Quand on est plus ou moins à l'aise au début, on fait un peu moins de choses. Chloé m'a beaucoup aidé, comme Raphaëlle Tervel et Sandrine Delerce, mes anciennes coaches. Elles m'ont poussé à m'exprimer, à montrer mes qualités. Je suis satisfaite de ce que je fais, mais je peux faire beaucoup mieux. J'ai encore beaucoup de chemin à faire. Je dois continuer à travailler, à oser. »
« Prendre tous les matches comme des finales »
De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace. Il en faudra à Besançon pour bousculer Paris 92, où l'adepte du tir coin long a encore beaucoup d'attaches, nouées en trois saisons et autant de championnats (U18, N1, N2). « A Besançon, Paris est un adversaire comme un autre. C'est différent là-bas. Pendant trois ans, j'ai joué au Palais des Sports (Charpentier) avec le secteur amateur. C'est une salle que j'aime beaucoup, où j'ai beaucoup de souvenirs. » Ce lien singulier avec le grand club féminin de la capitale est antérieur à son passage. « Issy/Paris travaille avec l'association Educ'Hand, qui permet aux jeunes filles de 9 à 12 ans de s'entraîner le samedi matin. C'est là que j'ai rencontré ma première coach », avant de jouer sous ses ordres au Club Sportif du Ministère des Finances. « J'y suis restée pendant mes quatre années de collège. »
Partie sans rancune il y a trois ans et demi, Kiara Tshimanga voudra quand même présenter la note à son ancienne formation, ce samedi. Celle d'un début d'année civile au ralenti, qui a fait régresser l'ESBF à la huitième place, à six longueurs de la cinquième. Une seule victoire (29-24 contre Saint-Amand, le 17 janvier) lors des cinq matches de championnat disputés en 2024 : bulletin insuffisant pour un ensemble peu enclin à passer une deuxième saison d'affilée loin de l'Europe. « Nos résultats sont très irréguliers, soupire la finaliste de la Coupe de France 2022. On est à six victoires (en 16 journées), c'est très peu pour une équipe qui prétend jouer la Coupe d'Europe l'année prochaine. » Mais qui a la fâcheuse habitude d'égarer des points en route, notamment contre Mérignac (défaite 26-24, le 24 janvier), Chambray (revers 27-26, le 14 février) ou Dijon (25-25 à domicile, le 7 février). Aux deux tiers du parcours, le droit à l'erreur ne semble déjà plus toléré. « On doit prendre tous les matches qui arrivent comme des finales. Il faudra faire un sans faute », et sans doute compter sur plusieurs défaillances à l'avant, pour espérer rentrer dans les clous.
Besançon – Paris 92 (17ème journée de LBE), samedi 24 février (18 h)