La prolongation du plaisir !
Euro
dimanche 28 janvier 2024 - © Yves Michel
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La France championne d'Europe ! Dix ans après ! Nikola Karabatic tient son 4ème titre européen et rejoint les Suédois de légende ! Comme deux jours plus tôt en demi-finale face à la Suède, c'est au terme d'une prolongation que les Tricolores ont vu la lumière. Ils s'imposent face au Danemark (33-31) et s'offrent un trophée au bout du suspens.
On leur aura tellement dit que le Danemark possédait la meilleure paire de gardiens du tournoi, que son jeu à 7 était imparable, que Simon Pytlick et Mathias Gidsel étaient deux fusées difficilement contrôlables, que Mikkel Hansen avait de beaux restes et pouvait à lui tout seul renverser le cours d’un match que les Français savaient qu’en Allemagne, la tâche s’annonçait ‘’kolossale’’.
Mais ils ont tenu et comme en demie, ils ont arraché une prolongation parfaitement maîtrisée et faite de symboles. Que dire de Dika Mem qu’on a vu en totale souffrance durant une heure (0/5), tous ses tirs partant dans le décor, sur le bois ou contrés par son partenaire à Barcelone Emil Nielsen ? Et puis comme les grands champions, le gaucher a retrouvé la confiance et la force mentale de remonter la pente. Au bon moment, alors que la 2ème période du temps additionnel venait de démarrer. Et comme cela ne suffisait pas à son bonheur, il va récidiver moins de 90 secondes plus tard. A ce moment-là, le jeu à 7 si bien mis en place par les Danois autour de Mikkel Hansen ne donnait plus les résultats escomptés. «Cela a été long, je crois que c’est la 1ère fois que ça m’arrive de ne pas mettre un seul but, c’était incroyable, souffle-t-il au micro de BeIN. On est bien-sûr super contents, ça a été dur mais on a toujours cru en nous. Avant de débuter l’extra-time, Niko est venu me voir en disant que le match n’était pas fini, que j’allais me réveiller et qu’il n’y avait aucun problème. J’ai l‘habitude de ces matches et je suis vraiment content qu’on ait pu gagner celui-là. On en avait vraiment envie, tout le monde nous parle des J.O, c’est normal, c’est en France, à Paris, ce titre (européen) on l’avait coché et c’est un bonheur de l’avoir remporté.» Que penser aussi de Samir Bellahcène qui poursuit son rêve amorcé à Kiel en septembre dernier et qui le poursuit en se retrouvant sur la plus haute marche d’un podium européen ? Le minot formé à Montpellier et qui s’est émancipé à Dunkerque, a réalisé les bons arrêts aux instants cruciaux. Lui à qui on avait rabâché depuis 48 heures qu’il aurait à soutenir la comparaison avec le meilleur gardien du tournoi. Avec 15 parades à plus de 38%, Emil Nielsen a encore prouvé sur cette finale qu’il était au-dessus de la mêlée mais cela n’a pas suffi. Que dire de tous ses gars, remontés du néant un vendredi soir et qui nerveusement, ont encore surmonté une épreuve et dix minutes supplémentaires où ils auraient pu tout perdre. La plupart d’entre eux n’avait jamais été champions d’Europe, ils rajoutent le trophée à leur palmarès naissant. Pour Valentin Porte qui n’a pas disputé la finale parce que blessé, c’est le 2ème, tout comme pour Luka Karabatic (les deux étaient à Herning en 2014). Pour Nikola Karabatic, c’est le 4ème. Le Parisien rejoint ainsi les légendes de la grande Suède des années 2000. Il a traversé le temps depuis son 1er titre continental en 2006 en Suisse. « C’est fou de réussir à être champions d’Europe au terme de scénarios comme ça, que ce soit en demie face à la Suède ou aujourd’hui face au Danemark, mais on y a toujours cru, on n’a jamais baissé les bras, on est resté positif et ce qu’on a démontré c’était magnifique. Il y a énormément de joie, beaucoup d’émotions aussi car il y a du soulagement à la fin et fiers de ce qu’on a accompli en équipe, c’est vraiment une belle aventure. »
Cette victoire française est d’autant plus belle et méritoire que les Danois n’ont jamais baissé les bras. Ils sont passés par toutes les sensations. Conquérants en début de rencontre après un 4-0 infligé aux Français, efficaces dans la prise de risque avec comme on pouvait le prévoir un Mathias Gidsel ( photo ci-dessus) très remuant et chirurgical au tir (8 buts à 100%) et rendus infranchissables grâce à leur blondinet de gardien. Emil Nielsen venait de réaliser sa 8ème parade sur un 7m d’Hugo Descat lorsque Samir Bellahcène a enfin ouvert son compteur. Dix-neuf minutes s’étaient écoulées. Les Tricolores étaient derrière mais la rentrée de Kentin Mahé à la mène va apporter un peu plus de fluidité. Le gardien français enfin sur de bons rails, la confiance était revenue. Yanis Lenne avait été incisif, Elohim Prandi va obtenir l’égalisation juste avant la pause. Le scénario va basculer en faveur des Nordiques au retour des vestiaires. Dika Mem ne parvenait toujours pas à concrétiser, Mikkel Hansen se régalait à 7m, l’insaisissable Gidsel continuait à perforer. Mais le Danemark commettait aussi des erreurs que les Bleus ne parvenaient pas à exploiter. Et pourtant. La précision de Kentin Mahé et la détermination de Ludovic Fabregas (qui terminera meilleur buteur tricolore avec 8 réalisations) va leur permettre de recoller et même, pour la 1ère fois depuis le coup d’envoi, de passer devant (25-24). Il restait moins de six minutes, rien n’était décidé. Tout pouvait basculer d’un côté comme de l’autre. Le moment pour Nikolaj Jacobsen de déclencher son plan-riposte, le 7 contre 6. Et cela va plutôt payer puisque sur deux impacts de Mikkel Hansen, le Danemark va reprendre la tête. Le chrono défilait mais personne dans la maison bleue, ne semblait s’affoler. Gidsel va continuer à courir, à filer à l’anglaise, à changer de rythme mais les Français vont contrer, gratter des ballons et se montrer efficients dans la transition. Ludo Fabregas était parvenu à égaliser, non pas sur jet franc comme ‘’Elo’’ Prandi deux jours plus tôt mais en s’arrachant à 6 mètres (27-27). La 1ère prolongation ne va rien donner, la seconde sera au bénéfice des Français (33-31) Et même si Mikkel Hansen venait de détrôner Nikola Karabatic comme meilleur buteur de l’histoire de l’Euro (9/15 sur cette finale dont 7/7 à 7m), peu importe ce record, l’arrière parisien décroche à 39 ans, un Graal inespéré. « Ce qui rend cette victoire magnifique, c'est que ce soit en demie ou en finale ou même sur certains matches de groupe, on s'est toujours accroché. En 2ème mi-temps, je leur ai dit, on va gagner, je sais qu'on va gagner et quand on a commencé les prolongations, je leur ai redit, on va gagner les gars, restez positifs, et c'est ce qu'on a exactement fait. Là je suis focus sur moi, la famille, les coéquipiers, fêter ça, on a beaucoup bossé pendant un long mois, ça a été difficile, c'est pour cela... là j'ai envie de faire la fête et on sait tous que ce qui arrive cet été, ça sera un gros objectif, ce titre l'a bien lancé, on ne pouvait pas rêver mieux. »
Lanxess Arena (Cologne), dimanche 28 janvier 2024, Finale France - Danemark 33 – 31 a.p ( 27-27 / 14-14)
Spectateurs : 19 750 Arbitres : Andreu Marin et Ignacio Garcia (Espagne)
Evolution du score : 2-3 (5) 5-4 (10) 6-8 (15) 7-9 (20) 11-10 (25) 14-14 (MT) 14-17 (35) 16-17 (40) 18-20 (45) 21-23 (50) 25-24 (55) 27-27 (60) 29-29 (65) 33-31 (FIN)
La réaction au micro de BeIn, de Guillaume Gille (qui devient le seul handballeur à avoir remporté l'Euro comme joueur en 2006 et 2010 et donc comme entraîneur): "C'est encore un scénario incroyable, quand on voit qu'on bute sur leur gardien, qu'on n'arrive pas à trouver la solution au niveau de l'efficacité au tir ou du jeu à 7 contre 6, mais malgré tout le bon état d'esprit a perduré dans ce groupe avec la certitude que c'était possible et qu'on était dans le bon tempo. Cela procure évidemment beaucoup d'émotions au coup de sifflet final. Parce que cela a été un vrai combat et qu'au cours de ces trois semaines, cela a été une succession de matches difficiles et je veux féliciter les garçons pour cet engagement incroyable qu'ils ont mis dans ce tournoi. Pour nous, l'objectif était de renverser ces Danois, de gagner cette finale et cela s'est vu tout le long de la rencontre. On a montré que ce groupe est capable d'aller chercher dans les moments décisifs, la bonne action ou l'arrêt qui nous manquait jusque-là et ce sont tous ces éléments qui amènent la performance. Ce que je retiens, c'est que les Danois sont un peu tristes et nous, on va faire une belle fête."
Confirmation de cette déception danoise, la réaction de Mathias Gidsel en larmes, à la télévision danoise: "Je suis très déçu, c'était un rêve d'être ici, en finale. Et ce mois de janvier se résume en quinze minutes difficiles. En seconde période, on sent qu'on les a mis sous pression mais c'est nous qui vacillons. Nous avons eu plus de mal à marquer des buts. Demain c'est lundi, ensuite, c'est le redémarrage de la Bundesliga. Les Jeux Olympiques vont aussi approcher à grands pas. Nous devons avancer mais personnellement, c'est difficile d'arriver en finale et de tout perdre à la fin."
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