« Je suis bien-sûr très fier. Ce coup franc, ça fait partie de mon job, j’ai déjà démontré que j’étais capable de réaliser ce genre de shoot mais surtout, toute l’équipe m’a fait confiance… Je suis un teigneux et pour moi, c’était impossible de perdre aujourd’hui, tout est relancé mais il nous reste une finale à jouer, c’est ce qui m’importe à l’heure actuelle. » Alors c’est vrai qu’une demie seconde avant que la trajectoire d’Elohim Prandi ne vienne tromper Andreas Palicka, personne dans le camp français ne croyait au miracle ! Combien de fois sur un coup franc direct, on avait vu les murs adverses repousser le ballon ? Mais là, le destin en a décidé autrement et les Bleus ont eu le droit à la prolongation. Ils revenaient de loin, de très loin… d’un abîme dans lequel ils s’étaient précipités tout seuls. En livrant deux mi-temps totalement déséquilibrées. Et comme le faisait remarquer Guillaume Gille à la fin de la rencontre, il faudra tirer profit des 24h qui séparent désormais son équipe de la finale, pour savoir ce qui s’est réellement passé et pour quelles raisons après trente minutes impeccablement négociées, l’ensemble s’est désagrégé et a remis la Suède d’aplomb.
La veille, Andreas Palicka avait tenu à réhabiliter les gardiens français que la presse suédoise n’avait pas hésité à enterrer. Le Parisien savait qu’à tout moment, un d’entre eux pouvait sortir de sa bulle. Il ne se trompait pas puisque Samir Bellahcène va lui donner raison. Le Suédois avait marqué les 1ères minutes de son empreinte, à l’autre extrémité, le Français de Kiel va lui voler la vedette et imposer son autorité. Ses partenaires vont parfaitement gérer une double infériorité numérique et même creuser l’écart. Rien ne pouvait les atteindre. Leur gardien était très inspiré, concentré sur son sujet et notamment sur l’arrière droit Lagergren qu’il va totalement neutraliser. Les hommes de Guillaume Gille évoluaient au plus juste, commettaient le moins d’erreurs possible et les Nordiques se montraient impuissants. Jim Gottfridsson identifié comme le plus dangereux dans cette équipe, était incroyablement discret et Félix Claar, l’autre demi-centre ne va pas être plus inspiré. Le tempo était dicté par les Tricolores mais confortablement installés, ils vont pourtant donner à leur adversaire l’occasion de réagir. Pour autant, le bilan était plutôt satisfaisant. Personne n’avait pu entraver leur dynamique (17-11).
Il y a deux ans, à Budapest, également en demi-finale de l’Euro, Andreas Palicka avait été déterminant face aux Bleus qui au final, s’étaient inclinés d’une longueur. Le gardien va s'employer à inverser la tendance. Ludovic Fabregas venait d’être exclu pour un pied volontaire, la machine française va s’enrayer. Aucun but ne sera inscrit pendant près de 8 minutes, temps nécessaire aux Suédois pour passer un 6-1. Moins précis défensivement, en manque de réussite sur des tirs faciles, les Français n’étaient pas hors sujet mais les fautes accumulées les pénalisaient. Pourtant les attitudes ne vont traduire aucun affolement. Les deux équipes étaient à égalité (18-18) et tout était à refaire. Car la Suède avait retrouvé des valeurs, de la précision et un peu plus d’agressivité en défense. Samir Bellahcène était du coup, moins incisif (il sera remplacé par Rémi Desbonnet), à l’inverse d’Andreas Palicka qui à lui seul, avait refroidi l’ambiance dans le camp tricolore. Et comme Felix Claar avait un peu plus de facilité à exploiter les ballons rendus, la Suède avait pris l’ascendant. Alors qu’elle était devant (26-27) et que Jim Gottfridsson venait de sévèrement se faire sanctionner pour avoir selon les arbitres, fait un pas de trop, Elohim Prandi va bénéficier du coup franc qui changera la face de la partie.
Les Nordiques s’étaient tellement vus en finale qu’ils vont rater l’entame de la prolongation. Parfaitement exploitée par Dylan Nahi, l’homme frais qui n’avait pas été utilisé. Trois buts consécutifs. L’ailier de Kielce bénéficiait du coaching de Guillaume Gille. Cette avance de trois longueurs, les champions olympiques vont la préserver et même la bonifier (34-30). La Fédération Suédoise a déposé une réclamation auprès de l'EHF sur la validité du but égalisateur d'Elohim Prandi. Dans l'attente de la décision, la France se retrouve en finale de l'Euro et comme il y a dix ans, elle affrontera le Danemark qui s'est imposé dans l'autre demie face à l'Allemagne (26-29).
Lanxess Arena (Cologne), vendredi 26 janvier 2024, Demi-finale
France - Suède 34 – 30 a.p (27-27 MT : 17-11 )
Spectateurs : 19 250
Arbitres : Slave Nikolov & Gjorgji Nachevski (Macédoine du N.)
Evolution du score : 3-3 (5) 6-4 (10) 12-5 (15) 13-9 (20) 15-10 (25) 17-11 (MT) 18-16 (35) 19-18 (40) 21-19 (45) 22-22 (50) 24-25 (55) 27-27 (60) 30-28 (65) 34-30 (FIN)
Réactions dans le camp tricolore...
Nédim Rémili : « Après le but, on a surtout cherché à garder notre calme, on n’avait pas envie de sortir après être revenu de nulle part comme ça. Je savais qu’Elohim pouvait le faire, mais je ne savais pas quoi faire. Je regarde ? Je ne regarde pas ? Ce qu’il fait c’est incroyable mais en même temps, c’est ce qu’on attend de lui, qu’il ait un impact sur le match, qu’avec son bras il nous sorte des fois de la merde. Et c’est ce qu’il fait ce soir. Mais il faut aussi rendre hommage aux autres, même si évidemment on ne va retenir que ce but du match. Dylan rentre en prolongations et a des jambes de feu, notre défense reprend le pas sur l’attaque suédoise. On retombe un peu dans nos travers, on fait une mauvaise deuxième période et si, les autres fois, on avait réussi à se reprendre, c’est vrai que ce soir, on s’en sort par miracle. Mais tant mieux ! »
Dika Mem : « Ca aura été un match de folie, on est resté au vestiaire à la mi-temps, on est vraiment au fond du seau en deuxième période. Quand tu es deux buts derrière, qu’ils ont le ballon de +3, c’est compliqué de te dire que tu vas encore y croire. Et même quand "Elo" prend le ballon, tu te dis bon, ok j’y crois, mais ça va être compliqué. Il la met au fond, c’est incroyable. Ce match aura été de très haut niveau, une vraie demi-finale de championnat d’Europe, où il faut tout mettre pour gagner. Mais on ne veut pas s’arrêter là, on veut continuer à écrire notre propre histoire, à avancer pour aller enfin chercher ce titre. »