Ne surtout pas tirer sur l'indigence !
Euro
dimanche 14 janvier 2024 - © Yves Michel
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Quelle déconvenue ! Sans minimiser la performance des Helvètes qui avaient été sévèrement corrigés par les Allemands lors du match inaugural, le partage du score (26-26) est un sérieux avertissement pour la France. Faut-il s'en inquiéter à deux jours du rendez-vous capital face à la Mannschaft, déterminant pour la suite de la compétition ? Les Tricolores ont bafouillé leur handball, ils n'ont pas trouvé de solution face au 7 contre 6 adverse et sont aussi tombés sur un excellent Nikola Portner.
Pour des handballeurs suisses, tenir la France en échec procure la même joie, la même satisfaction que des joueur des îles Féroé qui déjouent les plans de la Norvège et qui terminent exactement sur le même score (26-26). C'est un peu une douche glacée qu'ont pris les Tricolores sur le crâne. Un choc auquel ils ne s'attendaient pas tant les Helvètes avaient été inexistants lors de leur entrée dans cet Euro face aux Allemands. Ils savaient que Andy Schmid et ses partenaires ne leur feraient aucun cadeau. Ils ne se sont pas trompés.
1ère surprise avant même le coup d'envoi, le choix de reléguer Kentin Mahé dans les tribunes. Le demi-centre de Veszprém s’attendait à tout sauf à cette décision du coach. Dès le 2ème match de l’Euro. Voilà plus de treize ans qu’il pointe le bout de son nez en sélection, qu’il figure derrière Valentin Porte et Nikola Karabatic parmi les plus capés des 19 présents dans le groupe, que l’Allemagne est son pays d’adoption après y avoir évolué entre 2008 et 2018 et il doit passer son tour au profit de Timothey N’Guessan. Tout cela dans l’intention de relancer le Barcelonais après une prestation peu concluante lors du dernier match de préparation et une sélection sur cet Euro, contestée. Titularisé d’entrée, N’Guessan ne va pas laisser des traces marquantes de son passage. Apparemment tendu, trop rarement en situation de tir (il trouvera Portner sur sa 1ère tentative), perdu en défense, il va faire long feu et laissera sa place à Elohim Prandi après 16 minutes apathiques. Il sera relancé dans le dernier quart d’heure, Guillaume Gille obligé de constater le trop grand déchet sur le poste d’arrière gauche. Il ne sera pas plus à son avantage à l’image de cette trajectoire mal jaugée bien au-dessus de la transversale des cages helvètes. Il serait mal venu de lui faire porter toute la misère véhiculée ce dimanche par l'équipe de France. Mais il a certainement grillé une belle opportunité de gagner définitivement sa place et surtout de donner raison à son entraîneur de l'avoir pris.
Tout n'est certainement pas à jeter dans ce qu'ont produit les Bleus notamment cette relation entre Nedim Remili et Ludo Fabregas ou Dika Mem (les deux meilleurs réalisateurs français avec 7 et 6 buts) qui a le plus souvent fonctionné ou l'entrée de Samir Bellahcène (11 arrêts) au relais de Rémi Desbonnet en manque de réussite dans les 25 premières minutes ou l'apport de Karl Konan (malgré une luxation d'un doigt) dans le bloc central. Mais c'est à peu près tout. Le jeu en supériorité numérique a permis aux Suisses de toujours maintenir le contact et la pression, en s'offrant même le luxe de mener furtivement au score. "Leur jeu à 7 nous a posé beaucoup de problèmes avec énormément de passes à l'intérieur qui nous ont fait mal, reconnait Guillaume Gille au micro de beIN. Cela nous a mis au ralenti parce que les attaques sont excessivement longues mais c'est vrai qu'en seconde mi-temps, on ne s'est pas assez projeté. C'est un problème sur lequel il va falloir qu'on revienne parce que notre ADN c'est de courir et de mettre le feu sur grand espace et en seconde période, on est resté très conservateur." La complicité entre le génial meneur quadragénaire Andy Schmid et son pivot de 23 ans, Lukas Laube (9 buts et MVP de la rencontre) a provoqué des dégâts qui vont s'avérer irréversibles. D'autant qu'un autre paramètre va influencer le cours du match.
Là où Samir Bellahcène s'est illustré en 35 minutes, Nikola Portner en a fait de même sur toute la durée. L'ancien Montpelliérain et Chambérien qui avait été touché à la cheville contre les Allemands, n'aurait raté pour rien au monde cette confrontation. Comme à son habitude, il s'est retrouvé au bon endroit, au bon moment dans une excellente position. Il a complétement effacé de l'écran Hugo Descat (3/7), a contribué au retour de la "Nati" en début de second acte lorsque les Bleus semblaient (enfin) maîtriser la situation. Ludo Fabregas venait de le tromper à deux reprises et l'écart était conséquent (16-20 à la 39ème). "On a malgré tout l'occasion de tuer ce match, insiste le coach français." Les arrêts de leur gardien, le culot de Manuel Zehnder (l'actuel meilleur buteur de la Bundesliga), la parfaite association Schmid-Laube et puis tout simplement, une motivation et une envie décuplées vont amener les Suisses là où 4 jours plus tôt, ils n'auraient jamais imaginé se retrouver. Il restait tout juste 1'03 au chrono et les deux équipes dos à dos (26-26). Dika Mem en position de tir était balancé et à 7 mètres, Melvyn Richardson avait une occasion rêvée pour renverser la tendance. Le gaucher du Barça si précis jusque-là dans l'exercice va trouver un des montants de la cage. Il ne se passera plus rien et le score restera figé.
Si la prestation d'ensemble de l'équipe de France face à la Suisse n'est pas convaincante, ce résultat n'hypothèque en rien ses chances et sa progression dans la suite de la compétition. Depuis le tirage au sort, tout le monde a coché la date du mardi 16 janvier et le choc du groupe A face à l'Allemagne soutenue par tout un peuple. "Ce match (de ce dimanche) va nous donner une bonne base de travail mais on sait que pour être performants dans deux jours, on aura besoin d'une copié beaucoup plus aboutie. On a eu des performances individuelles un peu moyennes sur certains secteurs de jeu, là bien évidemment, le chantier de l'attaque reste ouvert avec la nécessité de retrouver plus de percussion dans les situations favorables car il faut reconnaître qu'on en a eues beaucoup mais aussi un peu plus de réussite." Pour ces 56èmes retrouvailles entre les deux nations, la Mannschaft qui un peu plus tard dans la soirée, a battu la Macédoine du Nord (34-25) et se qualifié pour le tour principal, attend les Bleus de pied ferme. En jeu, un succès qui garantirait l'amorce du prochain tour avec deux points.
Mercedes-Benz Arena (Berlin), dimanche 14 janvier 2024, Groupe A Suisse – France 26-26 (MT : 14-14)
Spectateurs : 11 000 Arbitres : Amar Konjicanin & Dino Konjicanin (Bosnie Herz.) Evolution du score : 2-1 (5) 5-4 (10) 6-7 (15) 9-10 (20) 13-12 (25) 14-14 (MT) 16-16 (35) 17-20 (40) 20-22 (45) 22-24 (50) 25-25 (55) 26-26 (FIN)
France : Desbonnet (2 ar./14), Bellahcène (11 ar./24) – Remili (4/8), Prandi (2/5), Richardson (2/3 à 7m), Mem (7/9), Tournat, Karabatic N., N’Guessan (0/2), Karabatic L., Fabregas (6/6), Descat (3/7 dt 1/2 à 7m), Porte (), Kounkoud (0/1), Nahi (2/2), Konan
Les réactions...
Karl Konan : "On a mis beaucoup de temps à entrer dans la partie, les vingt premières minutes sont un peu poussives, alors qu’ils trouvent beaucoup de solutions sur leurs pivots. Même si on ne prend que 26 buts, on a été en échec dans la gestion du sept contre six. Maintenant, même si ce nul est frustrant, on a pris un point, on est encore vivant et c’est le principal. En attaque, on gâche pas mal de ballons ce qui fait que même quand on est devant, ils restent au contact. Après, il y a de la qualité en face et on savait qu’ils n’allaient rien lâcher. Il faut rester positif, on n’a pas perdu, on est en vie et il faut maintenant se tourner vers le match de l’Allemagne."
Dika Mem : "Il ne faut pas se chercher d’excuses, le rythme ou je ne sais pas quoi d’autre… On a raté beaucoup, on n’a pas été efficace en attaque, on rate des situations claires… Certes on n’avait pas joué depuis quatre jours, quelque chose dont on n’a pas l’habitude, mais eux étaient dans le même cas, donc à nous d’être concentré et de rester dans la rencontre. Ce soir, on prend trop de buts au pivot, de buts faciles et c’est ce qui leur permet de rester collés à nous. Jamais, même quand on mène de quatre buts, on n’arrive à tuer le match. On sait que l’Allemagne, ça sera encore plus dur, mais l’équipe est prête. On a l’habitude de ce genre de rencontres, à la vie, à la mort, et on n’a pas peur."
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