Pour Allan Villeminot, Villeurbanne, c’était le projet d’une vie. Il ne s’en était pas caché lorsque cet été, il était revenu dans le club de ses débuts, onze ans après l’avoir quitté. Aux abords de la salle des Gratte-Ciel où dans le sillage de Jean-François, son entraîneur de père et un peu plus tard, aux côtés de son frère Kyllian, il avait commencé à montrer les facettes de son talent. Onze saisons qu’il passera entre Montpellier (2012-2016), Cesson (2016-2021) et Tremblay (2021-2023). Et lorsqu’il y a quelques mois, il avait été approché par les dirigeants rhodaniens, la décision n’avait pas été longue à prendre. «D’autant que je suivais l’évolution du club depuis 2-3 ans et même si les résultats sportifs n’étaient pas au rendez-vous, j’étais assez serein économiquement parlant et emballé par le projet. Avec le recul, je me suis trompé, sinon je ne me serais pas jeté dedans comme ça. Mais, bon… Depuis tout petit, je souhaite qu’un club de haut niveau grandisse dans la région et quand l’opportunité semble se présenter, tu ne peux qu’adhérer. Après Tremblay, j’avais d’autres propositions mais c’est surtout le cœur qui parlait. D’associer mon nom à cette aventure, c’était très gratifiant.» Chez le joueur, la motivation et l'excitation sont donc à leur comble. Il s’est engagé pour trois saisons alors que l’équipe vient de terminer dans la zone de relégation. « C’est vrai que j’ai pris un risque sportif, je n’ai pas été le seul dans cette situation mais ça s’est avéré payant puisque début juillet, la CNACG (Commission Nationale d’Aide et de Contrôle de Gestion) repêche le club et cela nous permet de repartir en D2. » Les joueurs et le staff sont loin de se douter de ce qui va leur tomber sur la tête. Allan Villeminot est dans un environnement qui lui convient, proche de sa famille et de ses copains d’enfance. La préparation se termine et quelques jours avant le match de coupe de France contre Nantes (annulé puis perdu sur tapis vert en raison d’une négligence technique), il se blesse. Déchirure des ligaments du pouce. Immobilisation et rentrée différée. «J’avais fait toute la prépa, ça s’était plutôt bien passé, là c’est un peu frustrant mais ça fait partie du métier, je dois attendre pour rejouer.» Le retour dans l’effectif est prévu lors de la 6ème journée, le 13 octobre dernier à l’occasion de la venue de Valence. Seulement voilà, depuis quelques jours, une rumeur circule. Le club serait en cessation de paiement au point de n’avoir pas pu verser les salaires en début de mois.
Le président Tony Breysse a fait un appel du pied aux actionnaires pour une augmentation de capital, il n’a pas été suivi. « C’est là que tu vois où se situent tes limites. On n’est pas maître du budget et surtout de ce qui se passe en coulisses et à l’extérieur du club. Notre boulot, c’est le terrain et tu as beau être prêt, si le reste ne suit pas, cela peut vite se dégrader. » La situation est critique. Le VHA qui a évité la descente en N1 et qui sur le parquet a donné quelques garanties est affublé de tous les maux. Trou financier important, prestataires en attente de paiement, rien ne va plus. Allan lui, n’a pas disputé le moindre match officiel sous ses nouvelles couleurs. « Je souhaite à personne de vivre cette situation d’autant qu’on ne nous donne aucune information. Les dirigeants nous ont assuré qu’il ne fallait pas forcément s’inquiéter mais il n’y avait aucun signe encourageant. Tu prends conscience que c’est ton avenir qui est en jeu, on a adhéré au projet qu’on nous a proposé et tout est remis en cause.» Dès lors, un sentiment de colère succède à la surprise et au doute. En à peine deux semaines, les quinze joueurs professionnels et leur staff ont perdu leurs repères. Avec le sentiment d’avoir été à un moment, trompé ? « Je ne peux pas en vouloir à quelqu’un en particulier. Le reproche est collectif. On nous a fait venir dans un projet qui oralement semblait tenir la route mais en fait, c’était le contraire. On est en octobre et pas en fin de saison ou deux ans après ! La colère c’est pour ne pas nous avoir dit qu’il faudrait faire des efforts, que les débuts de mois seraient compliqués… Rien de tout ça. On se retrouve devant le fait accompli. Et c’est la brutalité de la situation qui engendre la colère. En juillet et août, mes objectifs étaient très clairs dans ma tête, la volonté de ramener le hand lyonnais en D1 à court ou moyen terme et là, le club n’a plus d’effectif pro.» Ce mardi 24 octobre, la sentence est tombée. Le VHA a informé la LNH que sa situation économique ne lui permettait pas d’aller plus loin. Les joueurs attendent désormais que la structure professionnelle soit placée en liquidation judiciaire pour pouvoir envisager l'après. Certains ont alerté leurs agents, des clubs ont commencé à se manifester au compte-gouttes. « Je garde un esprit revanchard surtout par rapport à ce qui s’est passé car je n’ai pas pu évoluer devant mon public, martèle Allan. J’ai pris un peu de temps pour moi, je suis à l’écoute de toutes les offres, c’est tellement tout frais… Mais j’ai hâte de connaître la suite. Il va falloir rapidement tourner la page. Ce que je peux dire, c’est que ce genre d’épreuve me fait beaucoup grandir en tant qu’homme.» Les liens sont restés très forts avec tous les partenaires d’infortune. Condamnés à envisager leur avenir loin d'une agglomération lyonnaise où le handball de haut niveau a bien des difficultés à s'offrir une place au soleil. Vénissieux et Villeurbanne ne sont plus chez les pros, que de poussiéreux souvenirs.
Comme Allan Villeminot, trois autres joueurs (Timothé Thuillier, Jonas Poignant et Steeven Corneil) n’ont pas eu le temps de porter cette saison les couleurs du VHA. Tout simplement parce qu’ils ont été sous le coup d’une mesure d’encadrement de la masse salariale imposée par la CNACG. Edson Imare lui, n’a pu être utilisé que lors des deux 1ères journées à Billère et face à Tremblay avant de se blesser.