Pour cinq buts inscrits, recevez une bouteille de vin. Cette offre spéciale, uniquement valable samedi dernier, trois Bouillarguaises (dont Guillemette Cauly et Léa Lacroix) pouvaient y prétendre. Seule Chloé Roélandt en a bénéficié. Un cadeau, en liquide, découlant du 5/7 qui a cimenté, à la fin de chaque période, la victoire des Gardoises sur Bègles (34-30). La cinquième d'affilée au gymnase Agora. « Je ne pensais pas que ça valait une récompense, modère la MVP d'un soir. Pour moi, c'est un minimum que je m'impose et me dois. Mais si ça peut permettre de dire que c'est possible d'avoir deux maternités dans une carrière, et toujours la possibilité de revenir au meilleur niveau, tant mieux ! »
Avec la pivot de 32 ans, l'affirmation s'appuie sur du concret. A l'automne dernier, elle donnait naissance à son deuxième fils, Enea – « comme Bastianini, le pilote moto italien », s'esclaffe-t-elle –, petit frère de Manoé, 9 ans. Trois mois après l'accouchement, le processus de « rééducation et de préparation physique » s'enclenchait. Son retour en compétition s'est déroulé en deux étapes : deux matches de N2, début février avec l'équipe réserve, « parce que c'était essentiel de l'aider et de retrouver du rythme en match », puis la réintégration du groupe de Delphine Cendre, contre Lomme (28-23, le 18 février, 1 but). Pour apporter, quand l'occasion s'y prête, « des petites touches de fun, sur des tirs particuliers. Le sport doit être un spectacle comme un combat. »
« Sportive et maman, ça ne fait pas encore partie des mœurs »
Deux come-backs, à deux âges de la vie, deux approches distinctes. « Une grossesse à 32 ans, ce n'est pas pareil qu'à 24 ans. La première fois, j'avais lâché complètement la partie sportive, pris énormément de poids. J'étais plus jeune, je me disais que ça reviendra... On se rend compte après que non, qu'il faut travailler. A l'époque, je n'étais pas sous contrat professionnel. Là, je reviens plus facilement parce que je me suis entretenue pendant toute ma grossesse. Au-delà du sport, la fatigue est plus difficile à gérer. »
Quand Chloé Roélandt raconte ses congés maternités, c'est aussi au nom de toutes les joueuses-mères. De leur condition, que l'instauration d'une convention collective, l'an dernier, n'a pas simplifié du jour au lendemain. « C'est hyper compliqué de ''négocier'', parce qu'il faut négocier, un enfant pendant une carrière. Au-delà, c'est très difficile pour les clubs, pour les femmes. Ca ne fait pas encore partie des mœurs d'être femme, maman, sportive et de quasiment tout faire en même temps. Même s'il y a cette convention, il y a encore énormément de boulot à faire là-dessus. Les clubs ne sont pas préparés, les préparateurs ne sont des fois pas là du tout... J'ai eu la chance d'avoir le mien, qui ne me lâchait pas, mais je n'en avais pas pour Manoé. C'est un peu plus simple quand on est internationale que professionnelle ou semi-professionnelle, parce qu'on a un certain statut. »
Bouillargues était d'abord « une famille de substitution »
Son franc-parler, ses convictions – il lui est arrivé de manifester en poussette contre la réforme des retraites – en bandoulière, celle qui a connu ses « plus belles années handballistiques » en -18 ans à Yutz porte une seconde revendication majeure. Convaincre la métropole de Nîmes de revenir sur son désinvestissement financier des équipes féminines d'élite. 0 € de subvention pour Bouillargues en 2022, contre 60 000 € précédemment. La fronde se mène inlassablement sur les réseaux sociaux, se visibilise aux conseils communautaires auxquels son équipe assiste. « Sous couvert de tout ce qu'on nous vend, la femme n'est pas sur un pied d'égalité ou d'équité avec l'homme. C'est essentiel d'être reconnu au même titre que la filière masculine, et pas que dans le handball. C'est un combat important à mener, parce qu'il est déjà difficile dans la vie en général. Mais faire bouger les choses, ce n'est pas simple. »
Faire bouger Chloé Roélandt, encore moins. Hormis une pige à Chambray au printemps 2021 (5 matches de LBE), la Mosellane de naissance et Gardoise d'adoption n'a jamais quitté Bouillargues depuis... 2009. « J'avais besoin de m'évader, de prendre mon indépendance en tant que personne, et mon projet de jeune fille était d'aller vivre dans le Sud. J'ai eu la possibilité de suivre Cindy Héricourt, la gardienne de Yutz à l'époque. » Chez le septième de D2, ni concerné par la bataille des VAP ni par celle du maintien, « je m'y retrouve. Le club a toujours été familial, c'était important pour moi car je n'avais pas la mienne ici. Il fallait que j'en trouve une de substitution, jusqu'à ce que je crée la mienne. » L'ancrage méridional est tel qu'aujourd'hui, sa voix s'est mâtinée d'un accent chantant...
Sambre Avesnois – Bouillargues (19ème journée de D2), samedi 25 mars à 20h30