Il y aura bien-sûr des regrets, voire même un sentiment de frustration car comme le fait remarquer Luka Karabatic au micro de BeIn Sports, « l’écart ne reflète pas la rencontre » mais la France était-elle suffisamment armée pour lutter contre une telle puissance de feu ? Le Danemark avait avancé dans cette compétition sans trop s’égratigner. Il y avait bien eu cette demie face à l’Espagne et le nul bien avant face à la Croatie, où tout n’avait pas été parfait mais au final, l’essentiel avait été acquis. Pour une équipe où les points forts avaient très vite été identifiés. Une base arrière d’exception avec le trio Pytlick-Hansen-Gidsel au top niveau et des cages verrouillées par Niklas Landin. C’est justement à ces joueurs-là que Nikolaj Jakobsen, le mentor danois a donné les clés dès le coup d’envoi. Et ce choix, sans trop de risque, s’est avéré payant. A ceci près que Mikkel Hansen s’est contenté de passer les plats surtout en renversement sur ses latéraux. Trois buts inscrits en 4 minutes (2 par Pytlick, un par Gidsel, aucun concédé puisque Landin s’était déjà signalé), l’entame était parfaite et le camion rouge dévalait le boulevard qu’il avait devant lui. Mais le coaching le plus intelligent côté nordique a été de faire confiance à Rasmus Lauge (photo ci-dessous).
Incertain avant le Mondial car convalescent pour des soucis à la cheville et utilisé moins de 25 minutes jusque-là, l'intéressé était voué à un rôle défensif. Mais à chaque ballon contré, il va exceller sur le jeu de transition. En 1ère période, les Tricolores vont pourtant se créer quelques occasions en provoquant la défense danoise mais ils vont manquer de justesse dans le dernier geste ou tomber sur Landin. En face, les Danois étaient plutôt en réussite et répondaient du tac au tac aux 7 mètres de Melvyn Richardson. L’entrée de Rémi Desbonnet au relais de Vincent Gérard (1 seul arrêt en 15 minutes) puis celle de Nicolas Tournat vont coïncider à un retour en grâce des Français face à une équipe qui dans cette fin de 1ère période va desserrer l’étau, se montrer moins précise, commettre des fautes et surtout ne pas résister aux impacts de Nedim Remili, véritable catalyseur de la révolte tricolore. Avec un but de retard (15-16) à la pause, même si la souffrance l’avait accompagnée, la France était en vie et tout était possible.
Sauf que l’entame du second acte sera à l’avantage des Danois avec une subtilité que Jakobsen allait sortir de son chapeau. Comme Mikkel Hansen avait rendu côté stats, une ligne totalement blanche, le coach va donner à Rasmus Lauge, une mission supplémentaire, animer le jeu danois. Choix encore payant puisque le partenaire de Kentin Mahé à Veszprém va démanteler le dispositif français. Travail de fixation et de perforation. Tirs en appui, en pleine couse, moyenne et longue distances. Tout ou presque (une seule tentative loupée) va lui sourire avec une série impressionnante de coups gagnants. Il terminera meilleur réalisateur de la rencontre avec un 10/11 dont huit en 2ème mi-temps.
« Pourtant, souffle Luka Karabatic, on revient sans jouer extraordinairement bien, ça entretient l’espoir, on a donné beaucoup d’énergie à ce moment-là mais on n’a pas su remettre un coup de collier. C’est ce qui nous a fait mal. Ils ont trouvé le moyen de reprendre de l’avance.» Quant à l’entame du dernier quart d’heure, les Français étaient toujours derrière mais pas très loin (23-24), Rasmus Lauge (le poison !) va mettre le pied sur l’accélérateur. Et pour achever les Français, Jakobsen va sortir de sa manche sur le côté gauche de la base arrière, Mads Mensah. Sevré de temps de jeu depuis le début du Mondial, le joueur de Flensburg va faire la différence et redonner à son équipe un matelas conséquent. Les Tricolores ne vont jamais baisser les bras mais leur banc n’était pas aussi étoffé que celui de leur adversaire. L’espoir de renverser la situation était encore là mais les organismes ressentaient la fatigue et la lucidité commençait à faire défaut. D’autant que Lauge n’en avait pas fini de montrer toute sa détermination. « On n’a jamais pu les faire douter, avoue le capitaine des Bleus. Ils ont eu de la réussite, ils ont très bien joué, à la fin, on prend des risques et ça n’a pas souri. » Le Danemark terminera en quasi roue libre un match qu’il venait de maîtriser de bout en bout.
L’exploit est grand. Il est même historique puisque les hommes au maillot rouge raflent pour la 3ème fois consécutive, le trophée mondial. Ces trois-là se rajoutent aux deux remportés à l’Euro (2008, 2012) et à la médaille d’or olympique en 2016.
Finale CM – dimanche 29 janvier 2023 - Tele 2 Arena, Stockholm (Suède)
FRANCE - DANEMARK 29-34 (MT : 15-16)
Arbitres : Gjorgji Nachevski & Slave Nikolov (Macédoine)
Evolution du score : 1-3 (5) 5-9 (10) 7-12 (15) 11-14 (20) 12-15 (25) 15-16 (MT) 17-18 (35) 20-21 (40) 23-24 (45) 25-28 (50) 27-31 (55) 29-34 (FIN)
Les réactions dans le camp français...Kentin Mahé : « C’est forcément une tristesse de finir sur une deuxième place. On n’a pas démérité pendant toute la compétition, loin de là. On a défié tout le monde, on a battu certaines des meilleures équipes du monde. Il y a clairement quelque chose qui se passe dans ce groupe. Pour l’avenir, il faut se servir du cap qu’on a passé. Avant on n’arrivait pas à la finale, maintenant on est en finale mais on ne gagne pas. Il y a du progrès. Il ne faut pas cracher sur cette médaille d’argent, on n’est quand même pas loin des premiers. Bien sûr que j’aurais aimé offrir l’or à Nikola pour son dernier Mondial, comme aux autres qui n’ont encore rien gagné en bleu. J’en suis désolé. »Vincent Gérard : « Ça fait 28 jours qu’on y est…Peut-être que dans quelques temps, on sera fier, mais là c’est un peu décevant. Parfois la deuxième place est pire que la troisième parce que tu finis sur une défaite. On avait pourtant ciblé que le Danemark jouait beaucoup sur ses trois joueurs de la base arrière, mais ce qui est paradoxal, c’est que ce sont les remplaçants qui les sortent du bourbier. On avait eu un parcours sans faille jusque-là, en battant l’Allemagne, l’Espagne et la Suède chez elle, là il faut dire bravo aux Danois. Il va falloir trouver vite le positif, il faudra comprendre ce qu’on a raté mais aussi ce qu’on a fait de bien, et je suis sûr qu’il y a plein de trucs dans cette colonne aussi. On a manqué la dernière marche, mais peut-être qu’on s’est juste donné rendez-vous pour la prochaine fois… »Nédim Rémili : « Quand on rêve de faire premier, c’est dur d’être deuxième et de finir sur une défaite. Mais je n’ai pas envie de parler du match, plutôt de la fierté d’avoir créé cette épopée avant tout. C’est sans doute la plus belle médaille d’argent que j’ai gagné dans ma vie. Vraiment, je veux remercier tout le monde qui a fait le maximum pour atteindre l’objectif final. Ce n’est pas à cause des absents qu’on perd la finale, ce soir on a vu seize guerriers sur le terrain. Alors peut-être qu’avec untel ou untel, mais en vrai, on a surtout vu qu’on avait un vivier très grand, des mecs capables d’arriver et de venir aider l’équipe. »