« Six buts ce soir, six buts ce soir ! » Pour garder un triomphe modeste, il ne fallait pas trop compter sur Méline Nocandy... Indisponible jusqu'au printemps (ligaments croisés), la demi-centre de Paris 92 n'était pas la moins expressive en bord terrain pour saluer la nouvelle perf de sa capitaine, Déborah Lassource. Un 6/9 précisément – à peu de chose près dans sa moyenne depuis la rentrée –, assorti de trois passes décisives et d'une exclusion. Jets de 7 m (la moitié du total), prise d'appuis et tirs de loin sont les ingrédients du cocktail qui a fait trinquer Chambray-les-Tours (28-24, vendredi dernier à Issy) et ramené Paris 92 sur le podium à la trêve, un point devant Nantes (son seul bourreau à ce jour) et trois à quatre derrière le (présumé) indéboulonnable duopôle Brest / Metz.
Du haut de cette troisième place, l'arrière de 23 ans a une vue d'ensemble sur une année dont elle a été l'une des héroïnes, au même titre que Pauletta Foppa (pour qui l'adjectif épatante semble avoir été inventé), Louise Burgaard-Vinter (deux trophées avec Metz, deux podiums continentaux en club et avec la sélection danoise) ou Amandine Leynaud, dont la carrière d'exception aurait mérité de prendre fin sur un second couronnement en Ligue des Champions. En mars 2022, en Croatie, la fille de Gonnesse a connu sa première sélection en équipe de France A, joué d’autres bouts de match en bleu avec sa sœur aînée Coralie. Puis elle a disputé sa première compétition internationale majeure, l'Euro de Skopje et Ljubljana, achevé à une quatrième place toujours aussi frustrante avec un mois de recul. Entretemps, son club a obtenu un ticket direct pour les poules de Ligue EHF, où il affrontera Thüringen (ALL, dès le 7 janvier), Vac (HON) et Valcea (ROU) dans quelques semaines. Et elle s'affirme comme la deuxième meilleure buteuse de l'élite, à une unité de l'infatigable Audrey Deroin (Mérignac). A l'évidence, ce n'est plus tout à fait la même joueuse, la même femme qu'il y a douze mois qui s'exprime dans le jeu et en interview...
Déborah, ne serait-ce que pour contenter les dizaines de jeunes licenciés invités à ce Paris 92 – Chambray, était-ce impensable de terminer l'année en perdant à domicile ?
« Non, ce n'était pas le jour ! Et puis, au plan comptable, on avait besoin de cette victoire pour ne pas descendre au classement. On l'a fait, je suis contente. »
Pourtant, avoir sept buts d'avance (13-7 à la 25ème) a failli ne pas suffire...
« On s'est un peu fait peur, on a un peu gâché notre travail de la première mi-temps. Mais je préfère retenir la victoire, le caractère qu'on a eues quand Chambray est revenu au score (20-19 à la 50ème). On n'a pas baissé les bras, on a continué à jouer, malgré les pertes de balle, les incompréhensions qu'on a pu avoir. »
Deux buts et une passe décisive entre la 50ème et la 56ème, alors que l'égalisation menaçait : la prise de responsabilités a été maximale...
« C'est un peu mon rôle ici ! J'essaie d'apporter tout ce que je peux à l'équipe. Tant mieux si ça marche ! »
2022 se termine... Quel mot résumerait ce que vous avez vécu tout au long de l'année ?
« Je dirais inattendu. En fin d'année 2021, je peinais à revenir de ma blessure. Je suis montée petit à petit en puissance, et tout s'est enchaîné très vite. J'ai été appelée en équipe de France, j'ai eu plus de responsabilités en club, et la machine s'est mise en route. On a réussi à faire un bon résultat en championnat, un assez bon début de saison en septembre. Après, j'ai été prise pour le championnat d'Europe. Il s'en est passé, des choses, c'est pour ça que trouver un mot est difficile... »
L'image forte de l'année, est-ce forcément cette première Marseillaise en Croatie (qualifications pour l'Euro), avec Coralie, toutes les Bleues championnes olympiques ?
« Il y en a plein... Je ne pourrais pas en trouver une. Tous les moments que j'ai vécu cette année, qu'ils soient bons ou mauvais, font que j'en suis là aujourd'hui. Et je suis très contente de les avoir vécus. »
Le moment le plus douloureux a-t-il été de rentrer de l'Euro sans médaille, alors que la compétition se passait quasi sans accroc jusqu'à la seconde mi-temps de la demi-finale ?
« Je pense à la quatrième place de l'Euro, aux éliminations très tôt en Coupe de France et en Coupe d'Europe avec le club... Ce sont des moments qui forgent. On en a aussi besoin dans une carrière. On voit surtout le positif, mais le négatif aide aussi, malgré tout. »
Tous ces événements, ce nouveau statut d'internationale A ont-ils accéléré votre mûrissement ?
« Avoir participé à une compétition internationale permet de progresser à vitesse grand V. Toutes les équipes sont fortes, tout va trop vite, tout le monde est costaud... C'est vraiment un autre monde que le championnat de France, qui est déjà très relevé. On apprend forcément de ces expériences-là, et j'espère mettre à profit ce que j'ai acquis là-bas en club. »
Etes-vous devenue plus exigeante avec vous-même, dans l'espoir de rester durablement chez les Bleues ?
« Oui, et, surtout, ça montre que le chemin est encore long, que rien n'est acquis. Il faut travailler encore plus pour prétendre, déjà, rester là, et en faire plus quand on est (en sélection). »
Comme en fin de saison dernière, Paris se retrouve troisième à la trêve en LBE, derrière Metz et Brest. Pour espérer gagner une ou deux places en 2023, il faudra les battre dès la reprise (*)...
« On a envie de prouver sur le terrain quelle place on a. Sur le papier, c'est vrai qu'on a une bonne équipe, mais il faut que la mayonnaise prenne. On travaille pour, et on espère montrer ce qu'on vaut sur le terrain, pour pouvoir parler à la fin de la saison. »
(*) Paris 92 se déplacera à Metz le 4 janvier, puis à Brest le 18 (la réception de Dijon aura lieu le 11).