Lorsque Raul Gonzalez a bien voulu s’exprimer quelques minutes après la fin du match, le coach parisien a eu peine à desserrer ses mâchoires et la colère qu’il venait d’accumuler, se lisait dans son regard. « Je ne sais vraiment pas ce qui s’est passé. Toulouse est mieux entré dans le match et pendant soixante minutes, ils ont mieux joué que nous. Dès que possible, on va analyser la vidéo et tenter de trouver des réponses. » A Danijel Andjelkovic, son homologue toulousain qui passait par là pour le saluer, le technicien lancera… « Pour gagner, on avait besoin d’un miracle aujourd’hui… » Car cette équipe du PSG qu’on avait vu si insolemment dominer le championnat la saison dernière en alignant 30 succès en autant de sorties (37 matches sans défaite sur une série commencée en avril 2021), a donné l'impression en une après-midi de perdre ses vertus. Dans le marasme général, par intermittence, seuls Dainis Kristopans, le gardien Jannick Green, Kamil Syprzak et Elohim Prandi ont su émerger. L’arrière international français a bien tenté de raviver la flamme notamment en entame du second acte mais ses frappes lointaines n’ont pas suffi. Car au-delà de la défaite, c’est non seulement l’ampleur de l’écart qui marque les esprits mais aussi la maîtrise et la confiance en soi affichées par les Toulousains. Que ce soit en 1ère comme en seconde période, le Fénix n’a pas connu le moindre temps faible. Même quand après 20 minutes, les Parisiens ont semblé réagir, en alignant un 4-0 (12-10 à la 21ème), il n’en a rien été. Toulouse a resserré les liens en défense avec un axe Diallo-Pettersson aussi séduisant qu’efficace, dans les cages, un Jef Lettens des grands soirs (voir plus bas) et sur le champ, un Erick Balenciaga (notre photo de tête) intenable et incroyable de précision. La veille, la presse locale avait voulu dresser la comparaison avec son vis-à-vis Luc Steins. Ce dimanche, l’Espagnol a remporté le duel haut la main. Non seulement en fixant l’attention des Parisiens sur son petit gabarit mais également en transformant en or toutes ses tentatives (8 buts à… 100%). L’autre canonnier de service, Nemanja Ilic a également répondu aux attentes. Après ses 14 réalisations en ouverture face à Créteil, l'ailier serbe en a rajouté 9 (sur 9 tirs dont 5 à 7m) à son crédit. Ce qui est frappant, c’est qu’à aucun moment, le PSG n’a su trouver les solutions pour enrayer une machine toulousaine parfaitement huilée. Toulouse a paradoxalement perdu plus de ballons que son adversaire (12 contre 7) mais cela ne lui a pas causé plus de torts.
Deux buts d’écart à la 24è, quatre à la pause, sept à la 39ème, neuf... dix minutes plus tard et à l’entame du money-time, huit au final (35-27), les champions de France en titre ont couru après leur handicap sans espoir de le combler. Et le Fénix a régalé son public. « On n’en avait même pas rêvé, confiait Maxime Gilbert (et sa superbe planche ci-dessus). C’est un véritable exploit, Erick a été exceptionnel et surtout Jef… Quand on a un gardien de ce niveau, il ne peut rien nous arriver et perdre contre des gros comme le PSG. On a bien préparé cette rencontre mais on ne peut jamais savoir à l’avance, ce qui peut se passer. Il y a ce qu’on a mis en place et ce qu’on arrive à produire sur le terrain. On est arrivé avec l’état d’esprit qu’il fallait, avec la volonté de gagner ce match et sincèrement, ça nous a aidés. » Paris chute dès la 3ème journée de championnat en confortant ceux qui depuis le début de la saison avancent que le groupe aligné par Raul Gonzalez est moins costaud que ses devanciers et que pour tenir le rythme sur les deux tableaux (européen et national), les garanties devront être plus nombreuses. La saison est encore longue mais l’avertissement est cinglant. « Je pense que c’est encore trop tôt pour faire des comparaisons, martèle le technicien parisien. C’est vrai qu’en championnat on a fait un sans-faute la saison dernière mais là, on ne va pas tirer des conclusions alors qu’on est à peine à la 3ème journée. On a changé quelques joueurs, on verra la suite. » Et quand on demande à l’intéressé si une remise en question est nécessaire, sa réponse est immédiate. « Ce n’est pas le moment. Je suis assez énervé par ce qui s’est passé. Je ne veux rien dire. Il vaut mieux. » Le PSG qui laisse le fauteuil de leader à Nantes (victorieux face à Ivry (33-28) n’aura que très peu de temps pour gamberger sur son sort puisque dès mercredi soir, c’est un sacré morceau qui l’attend. Le déplacement à Magdebourg en Ligue des Champions face aux tenants de la Bundesliga. Et là, Luka Karabatic et ses partenaires devront montrer un visage différent que ce dimanche, s’ils ne veulent pas sombrer dans une vraie dépression.
Jef n'a jamais été tout seul
Et dire qu’il a atterri à Toulouse presque par accident. Lorsque Nantes le voulait mais ne lui a finalement pas fait confiance, préférant choisir Nielsen. Voilà plus de trois ans... et Jef Lettens en a profité pour délimiter son périmètre dans la ville rose. Avec bonheur et réussite. Ce n’est pas un hasard si la saison passée, le Belge a terminé 2ème au classement des gardiens derrière le Suisse Nikola Portner. Ce dimanche, il a été sur la plupart des trajectoires de ses adversaires. Un cauchemar pour Luc Steins, Nikola Karabatic et consorts. Avec 16 arrêts officiellement recensés (à plus de 40%), il est un des artisans d’un succès totalement maîtrisé.
Dans quel état d’esprit on se trouve à l’issue d’un tel succès ?
Même s’il va falloir rapidement enchaîner, même si on restait sur une contreperformance à Limoges, on va essayer de savourer. Ces moments sont tellement rares qu’il faut en profiter.
Toulouse n’a pratiquement pas connu de temps faibles dans ce match…
C’est vrai et c’est nouveau et ça arrive contre Paris. Même quand on bat Créteil, on a eu un mauvais moment à traverser. Comment l’expliquer ? Je ne sais pas. Est-ce que c’est la hantise de se dire qu’on pouvait prendre une branlée contre le PSG qui nous a sur motivés ? En tout cas, on y a cru, quand eux étaient en situation de marquer, j’étais là, nous, on a su concrétiser, et c’est ce qui est important. Chapeau aux mecs !
A part toi, des joueurs sont sortis du lot…
C’est une équipe où il n’y a pas vraiment des stars même si on a de bonnes individualités. Tout le monde se sent bien dans ce groupe. C’est toujours plus facile quand tu es en pleine confiance. Aujourd’hui, on a été beaucoup plus fort en défense que précédemment notamment à Limoges, le travail de la semaine a vraiment payé. Avec Fred (Pettersson) qui est là depuis l’an passé, c’est vraiment top qu’on ait pu intégrer si rapidement Bakary (Diallo). Il amène beaucoup d’intensité en défense. Peu de gars peuvent le passer en un contre un.
Un mot sur Erick Balenciaga ?
(Amusé). Je ne sais pas comment il fait mais il sert toujours le même truc et ça marche à chaque fois. Toutes les équipes le connaissent mais il arrive à passer toujours entre les deux n°3, il va toujours aussi vite. C’est un meneur de jeu qui sait marquer. C’est un vrai atout en attaque.
Le Fénix peut-il prétendre à mieux que jouer la 5ème place ?
Je ne pense pas que ce soit bon de commencer à rêver. Notre objectif est de titiller les places européennes à la fin de la saison. Là, on a récupéré les 2 points perdus à Limoges. Il faut être conquérant à la maison. Si cela peut attirer de plus en plus de public, c’est tant mieux. Mais le chemin d’ici la fin de saison est encore long.
Le diaporama photos du match par Yves Michel