L’objectif est dans toutes les têtes mais faut-il oser trop en parler dès le début de saison ? Depuis avril 2020 qu’il préside aux destinées du Toulouse Féminin Handball, Rémi Chambelin se sent investi d’une mission. Consolider les bases du club et le faire progresser, sportivement, structurellement et financièrement afin que l’équipe 1 accède dans les deux années à venir, à l’étage supérieur. En Division 2 féminine. « Deux ans, c’est une limite, précise le président du TFH. Car si cela n’arrive pas, on va se retrouver à la fin d’un cycle, la fin d’un groupe et une certaine lassitude va s’installer chez des filles à qui on parle depuis quelques années de D2 et qui ne voient rien venir. » A l’ombre du Fenix, club de l’élite masculine mais écrasé par la toute-puissance du rugby et du football, le handball féminin a pourtant d’énormes difficultés à se faire entendre. « Dans une grande agglomération, l’aide est un peu plus diluée, les partenaires sont donc plus difficiles à trouver surtout lorsque des disciplines majeures raflent les plus grosses parts. Pour attirer les joueuses, nous sommes obligés d’innover car nous ne disposons pas de gros moyens (avec un budget annuel de 250 000 euros). Nous facilitons les relations avec l’université, on va mettre dans les meilleures conditions possibles une fille qui veut par exemple, intégrer un master. Le bouche à oreille fonctionne aussi. » Après deux saisons perturbées comme partout par la pandémie (lors du précédent exercice le TFH n’avait disputé que deux matches), le retour à la normale est progressif. Une grande majorité des partenaires est restée, les licenciés qui avaient déserté, sont revenus (le club compte environ 300 membres). Quant à l’équipe 1, et c’est une avancée qui explique l’excellente entame de championnat, le noyau dur avec les Julie Legatindji, Florette Adams, Rebecca Burcea, Ines Segur et Fanny Pigal (notre photo de tête) a été conservé. « On perd 2-3 joueuses qui avaient de toute façon décidé d’arrêter mais on a gardé une ossature, une colonne vertébrale sur laquelle on a misé. Il suffisait de renforcer le groupe avec des nouvelles recrues. » Et à ce niveau, l’équipe toulousaine a semble-t-il visé juste en enregistrant le retour au bercail de la puissante arrière droite Marion Theys passée par Vaulx-en-Velin (D2F) et surtout l’arrivée de la gardienne espagnole Andréa de la Torre en provenance de Bouillargues (voir plus bas) dont l’expérience rejaillit sur l’ensemble du groupe entraîné par Fabien Vedel. Le club met aussi l’accent sur la prise en charge dès le plus jeune âge. « Si on monte en D2 et si on veut y rester, sans faire le yoyo, assure Rémi Chambelin, il va falloir mettre le paquet. Il faut structurer le club pour garder nos meilleurs éléments. L’objectif c’est aussi l’accession de la N3 à la N2 et la création d’une TFH Académie pour faciliter l’accès au pôle aux moins de 11 et de 13. » Si la volonté d’expansion est bien à l’ordre du jour, le club est tributaire des infrastructures mises à sa disposition. Et dans ce domaine, la ville de Toulouse et sa périphérie n’offrent pas suffisamment d’installations couvertes dignes de ce nom. Eclairage suranné, gradins et vestiaires d’une autre époque, dimensions des terrains à peine aux normes. « La salle ? C’est en effet le point noir du projet D2. Pourtant, on y travaille et on multiplie les rendez-vous avec la municipalité. D’autant que la ville est en pleine expansion et accueille des milliers de nouveaux venus chaque année. L’idéal serait qu’avec la perspective des J.O, une nouvelle installation et pas uniquement utilisée par le hand féminin, soit en projet d’ici 2024. En attendant, il va falloir se contenter de ce qu’on a. Si on grimpe en D2, il faudra réaménager notre gymnase des Argoulets ou chercher un lieu qui nous accueille à l’extérieur de Toulouse. » Dans quelques jours, la réalité de la compétition va reprendre le dessus. Les Toulousaines ont jusque-là réalisé un sans-faute dans la poule 4 de la N1 féminine. Quatre succès pour autant de matches. Le dernier a été une pure formalité qui a parfois tourné à la séance d’entraînement face à Blanzat-Montluçon (44-29). Seul Le Pouzin a fait aussi bien puisque samedi, la réserve de Bourg de Péage et Pays d’Aix qui étaient également aux commandes sont tombées respectivement à Annecy et La Motte Servolex. Le TFH a peut-être avalé son pain blanc avec un déplacement à Nice dans moins de deux semaines et la réception des Aixoises en suivant. Quels que soient les résultats, Rémi Chambelin ne renoncera pas au projet du club, se rappelant peut-être qu’il y a 11 ans, un certain TFH évoluait au sein de l’élite française avec dans son effectif les noms évocateurs de Sophie Herbrecht, Alexandra Lacrabère, Estelle Nze-Minko, Isabelle Cendier ou Vanessa Jelic.
De la Torre, gardienne du temple mais bien plus que ça !
C’est un recrutement qui n’est pas passé inaperçu. Le TFH devait impérativement trouver une gardienne d’expérience pour accompagner le groupe qui évolue en N1. C’est du côté de Bouillargues qu’est venue la bonne surprise. Arrivée dans le Gard en juillet 2019, l’Espagnole Andréa de la Torre a connu une approche de la D2 française plutôt agitée avec dès ses 1ers pas dans le championnat français, une fracture complète du talon. La Catalane passée par Granollers et par les sélections nationales avec en 2018, l’or aux Jeux Méditerranéens de Tarragone, s’est parfaitement acclimatée au Sud-Ouest et à la France plus généralement, au point de parler notre langue avec une facilité déconcertante.
Andréa, cómo estás ?
Cela va très bien. Ma blessure qui m’a immobilisé 5 mois est derrière moi. J’ai enchaîné avec la crise sanitaire et donc une autre saison blanche. Les séquelles de la fracture ont réapparu et j’ai décidé de faire une pause. Mon corps le réclamait. Il fallait que je le sollicite moins et j’ai donc cherché une équipe dans une division inférieure. En plus, comme j’ai repris des études supérieures, il fallait que j’aie un accès à l’université. En Espagne, j’avais mon doctorat en sciences du sport mais il n’est pas totalement reconnu en France donc je dois repasser quelques matières pour avoir les équivalences.
Et tu t’es retrouvée à Toulouse…
Le club m’a beaucoup aidé dans les démarches, ouvert plein de portes pour monter un dossier. J’ai attaqué la fac mais je n’ai pas choisi la facilité puisque j’ai rejoint mon copain qui habite Tarbes et je fais les allers-retours, c’est pour cette raison que je ne m’entraîne pas toute la semaine avec l’équipe. Je complète la préparation avec le club de Bordes (N1F).
Tu ne referais donc pas les choses de la même façon ?
Le seul regret que je peux avoir c’est d’avoir été professionnelle un plus tardivement que d’autres. Vers 26 ans. J’aurais dû m’investir plus jeune.
Au TFH, à 31 ans, tu es la doyenne…
J’en suis ravie. Cela ne me dérange pas du tout. Elles me trouvent drôle quand je m’exprime en français. Je n’hésite pas à faire des blagues pour mieux m’intégrer dans l’équipe (rires). Parfois je fais des bêtises mais c’est vrai, mon grand âge (sourires) m’impose des devoirs. J’adore transmettre tout ce que j’ai appris au cours de toutes ces années. J’ai de l’expérience, je ne vais pas la garder pour moi, il faut que j’en fasse profiter les plus jeunes.
Sais-tu que le club ambitionne de monter en D2 ?
Oui, oui (avec un rictus convenu). C’est ce qui a été annoncé en début de saison mais il faut garder la notion de plaisir. Quand le vendredi, on est à la veille du match, la victoire est l’unique objectif. Mais si tu joues sans plaisir, où est l’intérêt ? La cohésion du groupe est primordiale. On est sur une bonne dynamique avec un très bon niveau de jeu. Il faut que cela continue. Je suis vraiment contente d’être tombée dans cette équipe. Je suis vraiment là où je veux être.
Tu es donc comblée…
Oui et s’il me manque quelque chose, je ne suis jamais à court de nouveautés. Il y a toujours des opportunités qui se présentent. Qui sait, peut-être vais-je avoir envie de changer de domaine d’activités et travailler à l’étranger ?
Mais en France, tu es déjà à l’étranger…
Ah non, la France c’est bientôt chez moi (large sourire) !
Le diaporama photo de Toulouse Féminin HB par Yves MICHEL