Il faut de tout pour composer un effectif demi-finaliste de la Ligue des Champions. Des étrangères punchy, une colonne vertébrale bleu roi, et un enracinement régional préservé. Sur l'aile droite du Brest Bretagne Handball, celui-ci atteint sa profondeur maximale. Pauline Coatanéa, la titulaire, est née à Saint-Renan, à douze bornes de l'Arena. Son binôme, Alicia Toublanc, a vu le jour à Saint-Brieuc il y a un quart de siècle. Avec Agathe Quiniou, la troisième gardienne, et l'ailière gauche Amandine Lagathu, Brestoises pur jus, elles sont les garantes de l'identité gwen ha du de leur club. « On est quelques-unes à être encore là. C'est une vraie fierté pour nous toutes », se réjouit la Briochine.
Accéder au dernier carré de la C1 avec son club formateur en est une autre. Sociétaire du Top 16 européen sur invitation la première fois, en 2017-2018, le BBH a gravi les marches de la gloire une par une : second tour de poules la saison suivante, qualification en quarts l'an dernier avant que la pandémie n'arrête tout, et maintenant ce Final Four, territoire défriché par les Messines en 2019 (quatrième place) et rallié au détriment de ces mêmes Mosellanes, le mois dernier (34-24, 26-26). « C'est le nec plus ultra des joueuses », s'enthousiasme Alicia Toublanc, bien loin de s'imaginer prendre l'avion pour Budapest quand elle a intégré le conservatoire finistérien, il y a bientôt sept ans, une montée en N1 (avec Landivisiau/Lampaul) dans le baluchon. « A Plouagat, quand j'ai commencé, je ne connaissais pas vraiment le handball. La Ligue des Champions, c'était complètement inconnu. Mes parents n'étaient pas spécialement sportifs... C'est incroyable ! »
Sans une suggestion d'une professeure des écoles, la nouvelle championne de France n'aurait peut-être pas les yeux aussi écarquillés aujourd'hui. Diplômée en kinésithérapie en 2019, elle se consacrerait possiblement, et entièrement, à ce métier. « Quand j'étais en CE1, mon institutrice nous a dit d'essayer le hand, juste en face de l'école. On était entre copines, on s'est dit ''Allez, on fonce''. J'ai adoré, ça se passait bien, j'ai continué. »
« On pourrait renverser une montagne »
Fixée à l'aile droite par Mikaël Danigo, son entraîneur à Plouagat « dans les équipes jeunes et en N3 » et actuel responsable du pôle de Brest, l'internationale juniors a mûri en Nationale 2, dans le Finistère voisin (Plouvorn, puis Landivisiau). Dès son arrivée au BBH, alors en D2, Laurent Bezeau lui a accordé sa confiance, aussitôt contrariée par un « premier coup de massue ». Une première rupture des ligaments croisés, à l'automne 2014. « La rééducation a été longue, j'ai repris avec l'équipe 2. J'ai réintégré le groupe professionnel tout en étant au centre de formation, et je me suis refait les croisés en octobre 2017 (peu après être passée pro). J'ai mis du temps avant de trouver une place bien établie dans le groupe. »
Alicia Toublanc, dont la petite sœur suit la trace à Plouagat (N3), la conservera au moins jusqu'en 2023. Elle a en effet prolongé de deux saisons en janvier dernier. Ca laisse du temps pour de nouvelles conquêtes, dans la veine du doublé Coupe de France-LBE récemment accompli. Ou de nature continentale, sans attendre. « On a déjà écrit notre histoire. Le titre de championnes de France nous tenait à cœur à 200 %. Maintenant, on va au Final Four libérées, sans se tourner les pouces. On se dit que tout est possible. Quand on voit l'état dans lequel on était sur le match (la finale retour du championnat, gagnée 29-22 face à Metz dimanche dernier), j'ai l'impression qu'on peut tout faire. On pourrait renverser une montagne. »
Et voici qu'un Everest familier, vert et blanc, se dresse à nouveau devant Brest et sa Costarmoricaine : Györ, triple tenant du titre (lire ci-dessous), favori perpétuel à sa succession. Intimidant à première vue, sauf que ces deux dernières saisons, le BBH a tenu en respect la formation de Glauser, Leynaud, Edwige et Nze Minko trois fois sur quatre (27-27 et 28-29 la saison dernière, 25-25 et 27-27 cette saison). Un historique qui aurait pu être encore meilleur si certaines fins de match avaient été mieux négociées... Samedi après-midi, il faudra savoir conclure, résister à la pression populaire magyare (la jauge de la Laszlo-Papp Arena a été fixée à 50 %, soit 6000 supporters maximum) afin de rêver à une finale face à Kristiansand, troisième il y a deux ans, ou au CSKA Moscou, l'autre néophyte du plateau. « On n'a pas perdu cette année contre elles, donc tout est jouable », croit celle qui a participé à deux stages en équipe de France A (dont celui d'avril à Créteil, en remplacement de Coatanéa positive au Covid-19). Et qui ne s'interdit sûrement pas d'aller transformer une fierté régionale en fierté nationale.
Le programme du Final Four 2021
Samedi, 15h15 : BREST – Györ (HON)
Samedi, 18 heures : Kristiansand (NOR) – CSKA Moscou.
Dimanche, 15h15 : match pour la troisième place.
Dimanche, 18 heures : finale.
Toutes les rencontres à la Laszlo-Papp Arena de Budapest, en direct sur Eurosport Player et en différé sur Eurosport 2.
Le palmarès de la C1 au troisième millénaire
2020 : compétition arrêtée après le tour principal.
2019, 18, 17 : Györ (HON).
2016 : CSM Bucarest (HON).
2015 : Podgorica (MTN).
2014, 13 : Györ.
2012 : Podgorica.
2011 : Larvik (NOR).
2010, 09 : Viborg (DAN).
2008 : Zvenigorod (RUS).
2007 : Slagelse (DAN).
2006 : Viborg.
2005, 04 : Slagelse.
2003 : Krim Ljubljana (SLV).
2002 : KDP Skopje (MCD).
2001 : Krim Ljubljana.
Les Françaises déjà montées sur le toit de l'Europe en club
Stéphanie Cano (2004), Valérie Nicolas (2006), Raphaëlle Tervel (2013), Amandine Leynaud (2019).