Ces huit derniers mois, les représentations publiques de Carmen ont été rares à Dijon. Une seule, en tout et pour tout : le 26 septembre, pour une défaite 21-26 contre Nantes et cinq buts de la recrue ibérique de la JDA. Sitôt l'étau sanitaire (un peu) desserré, il y en a eu une deuxième, mercredi après-midi. Évidemment, un auditoire de deux cents personnes distanciées, dans des gradins dont seules les rangées inférieures sont accessibles, ça fait peu. Au Palais des sports, comme à l'Opéra voisin. Mais c'est déjà énorme, à entendre mademoiselle Campos. « A huis clos, ce match, on ne l'aurait pas gagné », s'exclame-t-elle, dans la langue de Molière plutôt que dans celle de Cervantes.
Durant ce quatrième Dijon – Toulon de la saison (deux victoires partout), premier match avec supporters en France depuis fin octobre, la temporalité faisant foi, l'homonyme de l'héroïne de Bizet n'a pas offert l'un des récitals dont elle est coutumière. Les premiers rôles sont revenus à Joanna Lathoud (9/9), allegro dans le dernier quart-temps, et Marie Lachat (24 ans, 12 arrêts en seconde période, photo ci-dessous), fortissimo à l'heure de son goûter d'anniversaire. La demi-centre y est allée piano, n'inscrivant que deux penaltys (0/3 dans le champ), et assurant tout de même six passes décisives et deux interceptions.
A ce stade tardif de la saison, ce rendement offensif en dessous des normales saisonnières ne changera rien à son statut d'excellente pioche du recrutement côte-d'orien. « On est très satisfaits,
encense Christophe Mazel. Carmen a porté l'équipe à bout de bras quand nous étions en difficulté. C'est une valeur ajoutée, qui apporte beaucoup à l'effectif. Malgré tout, on a appris à jouer sans elle quand elle s'est blessée. »
Mazel : « La première pierre de l'édifice »
Fin mars-début avril, une distorsion ligamentaire à la main droite a privé la Madrilène de 25 ans d'une partie de ces play-downs dont Dijon sortira indemne, et peut-être premier au classement. Depuis, elle a repris sa place de cheffe d'orchestre, sans se priver de glisser arrière au gré des enclenchements, et au poste 2 en défense. Un domaine où celle qui totalise 121 réalisations en LBE sait aussi donner le tempo. « Elle pose beaucoup de problèmes à l'adversaire, elle est très maligne », souligne le
coach.
Fascinée par un championnat « plus fort, surtout au niveau physique », où « la gestion des clubs n’a rien à voir » avec la Division d'Honneur de son pays, Carmen Campos Costa - son identité complète - a franchi les Pyrénées sans hésitation l'an dernier. L'ancienne joueuse de Villaverde (un club de Madrid), Santa Eularia (2017-18) et de l'Atletico Guardes (2018-20), internationale depuis 2018, ne regrette pas du tout son choix, pris avant le premier confinement. Au point que sa première bonne résolution pour 2021 fut de prolonger son contrat dijonnais de deux ans. « Je me sens bien, l'intégration à l'équipe a été très bonne. Le club m’a fait confiance depuis le début, m’a proposé un projet ambitieux. Ça m’a aidé à prendre ma décision de rester ici, très tôt. »
« Quand on veut construire quelque chose sur le long terme, il faut avoir des bases solides. La première pierre de l'édifice, c'était Carmen, prolonge Christophe Mazel. Elle est relativement jeune. Si elle continue à progresser, et l'équipe avec elle, on sera capable de faire de grandes choses ensemble. » Comme jouer les places européennes la saison prochaine, objectif clamé à haute voix par la cantatrice de la JDA...