La tournée d'adieux de Linda Pradel ne pouvait passer par Alicante, sa seule incursion hors de nos frontières (2010-11). Ni par Le Havre, où Frédéric Bougeant l'a lancée en D1 en 2002. En revanche, elle s'est longuement arrêtée aux Arènes de Metz, son domicile entre 2004 et 2008. Ce dimanche-là, malgré la sévère défaite (35-25), la gardienne de Chambray-les-Tours a sorti une dizaine de parades en une grosse demi-heure. Les dernières manchettes, ou presque, d'une innombrable série à cheval sur deux siècles et trois décennies.
A l'instar de deux internationales françaises de champ, Blandine Dancette (Nantes) et Amanda Kolczynski (Saint-Amand), la capitaine du CTHB raccrochera au terme de cette saison. « Franchement, j'ai eu de la chance. C'est un truc de fou. En commençant (à Ivry, son premier club), je n'aurais jamais pu me dire que je vivrais tout ce que j'ai vécu. » Pêle-mêle, 55 sélections en bleu, quatre doublés championnat-Coupe de la Ligue en Moselle, un trophée européen (la Challenge Cup 2012, avec le HAC). Son plus beau souvenir, ex aequo avec « la première médaille internationale », glanée à l'Euro 2006 (bronze). La seconde était en or, trois ans plus tard, aux Jeux Méditerranéens (*).
« Le corps commence à dire stop »
« J'ai la chance de pouvoir continuer, de finir ma carrière maintenant. Je m'arrête l'esprit tranquille. Je n'ai pas de pression, au contraire, je vais passer à autre chose. » Entre deux entraînements, la native de Trappes a soigneusement préparé sa reconversion. Sur les bancs d'une école de Tours, Polytech. « Quand j'ai décidé de reprendre mes études, je me suis dit qu'à la fin de mon école d'ingénieurs, une fois diplômée, j'arrêterai. »
Reçue en mécanique et conception des systèmes en octobre dernier, Linda Pradel tiendra parole. Aucune chance de la voir faire une « Céline Dumerc », autrement dit un rappel, une saison bonus, de façon à quitter la scène devant du public, à la Fontaine-Blanche ou ailleurs. « Malheureusement, au bout d'un moment, le corps commence à dire stop, argue-t-elle. Sur les derniers matches, ça devient très compliqué. »
« Elle n'aime pas se faire marcher dessus »
Outre le palmarès, la longévité, celle qui fêtera ses 38 ans début juin se caractérise par un certain goût, et un goût certain, du cycle long. Six ans au Havre (en trois séquences), quatre à Metz, six à Chambray, rejoint quand le club émargeait encore en Deuxième division (2015). « Je pars du principe que si je suis bien, il n'y a pas de raisons de partir. Quand je suis partie du Havre, c'était pour vivre quelque chose d'autre à Metz, et ç'a été le cas. Chambray, c'était un autre challenge. J'y suis bien, donc j'y reste. »
En Indre-et-Loire, elle a pris tout le temps de distiller son vécu, sa personnalité. « Linda défend des valeurs. Elle a une exigence de travail, du charisme, témoigne Andrea Novellan, sa collègue de 22 ans. Elle n'aime pas se faire marcher dessus, c'est une particularité du poste et une force. Forcément, travailler avec une personne comme ça, c'est partager ces valeurs-là. En arrivant au centre de formation, je ne pouvais pas rêver mieux que de la côtoyer pendant quatre ans. Pouvoir partager avec des joueuses qui ont des qualités hors normes, c'est aussi ce qui fait qu'on a envie de venir à des endroits. »
(*) Linda Pradel figurait dans le groupe France vice-champion du monde en Chine, en décembre 2009, mais n'avait joué aucun match.