A croire que la Provence l'a revigoré. Après un break de six mois où il avait eu le temps de rassembler ses idées et surtout changer totalement d'environnement, Samuel Honrubia avait choisi Pays d'Aix pour relancer sa carrière handballistique. Un an et demi plus tard, l'ancien international multi-médaillé a retrouvé la même envie qu'à ses débuts. En fin de contrat avec le PAUC en juin, il a décidé de s'engager pour deux saisons avec Istres, le voisin des Bouches-du-Rhône qui nourrit désormais des ambitions plus élevées au sein de l'élite. Il ne sera pas la seule recrue marquante du groupe dirigé par Gilles Derot puisque l'arrière gauche algérien Messaoud Berkous a lui aussi donné son accord (voir plus bas).
Samuel, conçois-tu cette arrivée à Istres comme un nouveau challenge ?
Pas tout à fait. C'est dans la continuité de la reprise de ma carrière à Aix. Tant que je peux courir, sauter et shooter, je serai à fond. Je me sens tellement bien physiquement que je n'ai pas envie d'arrêter sportivement. En parallèle, je passe mon BTS diététique et nutrition du sport cette année donc si tout va bien, j'aurai à peu près fini mes études et je serai focus à 100% sur le handball.
C'est en tout cas une nouvelle aventure...
Oui, avec un nouveau club qui est dans le paysage du hand français depuis de nombreuses années. Un club qui a une histoire, une mentalité et une façon de travailler que j'ai hâte de découvrir. Après, avec la conjoncture actuelle qu'on traverse aujourd'hui, tu ne fais pas du hand pour être riche. Il y a toujours la passion et quand on te fait une proposition d'un contrat de deux ans, tu ne peux pas refuser.
Tout n'a pas été rose, on se souvient qu'en 2016, tu as failli tout abandonner...
On va dire que certaines années à Paris ont été compliquées notamment par rapport au plaisir ressenti, l'ambiance n'était pas idéale. Cela a été un peu le cas lors de ma 2ème année à Tremblay. Quand avec le coach et l'équipe, cela ne fonctionne pas bien et que ce que tu fais devient un boulot comme un autre, il n'y a plus la même envie. A Aix avec Thierry (Anti), j'ai retrouvé ce que j'avais connu à Montpellier en matière d'exigence et du coup, ça te pousse à t'investir encore plus.
L'erreur n'est-elle pas d'être resté si longtemps en région parisienne ?
Non, je ne partage pas ce point de vue parce que la 1ère année à Tremblay (2016-2017) a été magnifique. J'étais vraiment intégré au projet de jeu. A l'inverse, avec Benjamin (Braux), on n'a pas réussi à être sur la même longueur d'ondes. En fait, cela n'a rien à voir avec la géographie. Chaque année a son histoire en fait.
A Istres, au-delà de l'aspect technique, quel rôle peux-tu avoir ?
Gilles Derot a été très clair avec moi. Il m'a dit qu'il voulait un buteur, quelqu'un qui lui assure ce qu'il n'avait jamais eu au poste d'ailier gauche. Avec humilité, je vais tenter au maximum de répondre à ses attentes. J'aime aussi le partage, faire bénéficier de ce que j'ai pu acquérir comme expérience. Tout en restant à ma place et en amenant du positif, je pense avoir un rôle intéressant à jouer à Istres.
Il y a chez toi comme un peu plus de sérénité... tu parais plus ouvert qu'avant...
Les épreuves de la vie m'ont fait évoluer en tant qu'homme. Mais je ne veux pas trop m'étendre sur ce qui appartient au passé. Aujourd'hui, j'ai 34 ans et j'ai forcément changé. Si je donne cette impression, c'est cool.
Istres, c'est quand même une fin de carrière programmée, non ?
Ben non, justement ! C'est ce que j'ai dit à Gilles... Je ne viens pas en pré-retraite au soleil de la Méditerranée. J'ai même avoué à ma femme que mon objectif est de jouer jusqu'à 40 ans. A la fin de ce contrat, j'aurai 37, on verra ce qui se passera.
Michaël Guigou et Luc Abalo font des émules ?
(sourires) Non, pas du tout, même si tous les deux restent des exemples. En plus, je me suis rendu compte qu'on a vraiment de la chance de faire ce métier. Quand je me revois à 14-15 ans sur le stade à Pézenas, je m'entraînais tout seul avec un ballon et des filets troués et à chaque but marqué, j'étais obligé de faire 30 mètres pour le récupérer, obligatoirement cela m'empêche d'oublier d'où je viens et tout ce que j'ai donné pour en arriver là.
Malgré un palmarès qui peut faire des envieux, referais-tu certaines choses différemment ?
Oui (et il réfléchit). Cela concerne la 2ème année que j'ai vécue avec "Boule" (2013-2014 au PSG) .On a tous été tellement exigeants que cela a créé des tensions avec le coach. J'étais tellement concentré sur ça que je n'ai malheureusement pas réussi à être aussi bon que ce que j'avais été à Montpellier. Quand on regarde mon pourcentage de réussite, sur mes années Montpellier, je suis à 90%, à tel point que j'ai pensé qu'il y avait des erreurs dans les stats (sourires) et à Paris, j'ai tourné autour des 70-75.
Qu'est-ce qui a changé ?
Quand je repense à l'exigence que Canayer mettait aux entraînements, cela poussait à l'excellence. Ce que je regrette à Paris, c'est de ne m'être pas plus concentré sur moi. J'aurais du mettre moins d'énergie à tenter de gérer les problèmes liés à l'équipe et au club.
Il y a trois ans, on a deviné que tu t'affirmais comme artiste sous le pseudonyme d'YMAS. Où est-ce que cela en est ?
Je ne vois pas de qui et de quoi tu parles (rires). Il semblerait que ce soit dans mon entourage. On verra ce qu'on en fait... Pour être sérieux, en plus en ce moment, les expositions, ce n'est pas trop facile à organiser.
Qu'est ce qui pourrait t'arriver de bien humainement et sportivement à Istres ?
Déjà, gérer au mieux la 1ère saison. Après, Istres n'a gagné qu'un seul titre , il y a plus de dix ans contre Montpellier en Coupe de la Ligue à Miami, si on pouvait remettre ça, ça serait génial.
Berkous, la force de frappe tranquille
Même si après avoir disparu des radars, l'Algérie refait surface depuis l'arrivée d'Alain Portes à la tête de la sélection, Messaoud Berkous est loin d'être un inconnu dans le handball. Cela fait quelques années que plusieurs clubs français le surveillent et le convoitent. Istres réalise la bonne affaire en le recrutant pour les deux saisons à venir.
Depuis qu'il est professionnel, Messaoud Berkous n'avait connu que l'environnement algérois et malgré quelques courtes piges en Égypte ou dans le golfe, il était resté au Groupement Sportif des Pétroliers. Un contrat de fidélité de quatorze saisons dont il était difficile de se défaire. Car le GSP n'est pas seulement un club omnisports mais une institution liée à la SONATRACH, un puissant groupe algérien spécialisé dans la production et l'exploitation d'hydrocarbures et qui assure une belle reconversion à tous ses meilleurs athlètes.
En handball, l'équipe domine le championnat depuis les années 90 mais comment en serait-il autrement tant l'adversité est très faible ? D'ailleurs et c'est ce qui inquiète Alain Portes, « le championnat est arrêté depuis mars 2020 et le fait que Messaoud vienne jouer en France est une excellente nouvelle pour lui, pour Istres bien-sûr mais aussi pour l'équipe nationale.» D'autant que l'arrière gauche âgé de 31 ans s'engage sur les bords de l'étang de Berre pour un bail de deux saisons et il n'est pas encore disposé à faire valoir ses droits à une retraite sportive. Il l'a prouvé lors du récent Mondial égyptien où il a été désigné à deux reprises (contre la France et le Portugal) meilleur homme du match. « Quel athlète ! s'exclame le coach gardois. Il a réalisé une sacrée performance car il était blessé à un adducteur. Et même s'il n'était pas à 100%, il a su s'élever au-dessus du lot, il a vraiment de la ressource. Il est à la fois doué et un gros travailleur. » Quand Alain Portes a pris ses fonctions en Algérie en mai 2019, il savait qu'il disposait d'une véritable force de frappe et d'une personnalité dans son effectif. « A mon arrivée, je l'ai mis capitaine, cela a eu aussi pour effet de le sortir de sa coquille et de lui permettre d'acquérir un statut. En Algérie, on pensait que les leaders étaient ceux qui évoluaient à l'étranger. J'ai voulu rompre cela et je ne le regrette pas, eu égard à son investissement. » Et une carte de visite qui peut faire des envieux avec cinq participations à un championnat du Monde, plus de 100 buts inscrits en sélection et plusieurs fois médaillé à la CAN (vainqueur du trophée en 2014). « C'est une star, le seul à avoir à titre personnel, un contrat avec l'équipementier Hummel. L'incarnation du handball en Algérie, c'est Berkous. Sur un terrain, il est irrésistible, quand il projette de marquer, c'est difficile de l'arrêter. Après, s'il avait tenté peut-être plus tôt une aventure à l'étranger, cela aurait fait un super défenseur, un joueur beaucoup plus complet mais il ne demande qu'à progresser,» Et avant que son ancien coéquipier en équipe de France et à l'USAM (dans les années 90), Gilles Derot en profite avec Istres, Alain Portes compte sur Messaoud Berkous à la mi-mars pour le Tournoi de Qualification Olympique que l'Algérie doit disputer en Allemagne face à la Mannschaft, la Suède et la Slovénie.