Les Français ne sont pas dupes. Si lundi en fin d'après-midi, ils sont restés dans leur chambre devant la télé afin d'assister à Espagne-Hongrie, ils ont vite compris que les Magyars n'étaient pas disposés à trop se dévoiler et à surtout se donner les moyens de s'imposer. « En tant que passionné, je me faisais un plaisir de regarder ce match, même si je me fichais un peu du résultat, ça m'a gâché mon plaisir, confesse Valentin Porte. J'ai même zappé par moments. » Les Hongrois ont préféré aligner une équipe bis sur le parquet en préservant les cadres puisque le pivot Banhidi, le gardien Mikler et le meneur de jeu Lekai sont restés en tribune et tous ceux qui n'avaient que très peu de temps de jeu jusque-là ont été responsabilisés dès le coup d'envoi. Choix délibéré pour éviter la Norvège et penser que la France serait plus abordable ? L'option est pour le moins hasardeuse. « Cela ne me vexe pas, poursuit le capitaine de Montpellier. Chaque équipe a son plan de jeu et le staff hongrois s'est dit qu'il y aurait plus de chance contre nous. Après, par expérience, ça fait quelques compét' que je joue et ça me fait rire parce que quand c'est un calcul comme ça, souvent on prend le karma dans la tête le lendemain ou le surlendemain. Maintenant s'ils nous battent, bravo à eux, ça veut dire que leur tactique aura bien fonctionné mais c'est vrai que ça nous pique un petit peu. » Sentiment partagé par Dika Mem même si le gaucher barcelonais tempère la portée du choix hongrois. « Pour moi c'est un peu un manque de respect après on peut comprendre qu'en jouant tous les deux jours, s'ils ne se reposent pas maintenant, cela peut être compliqué par la suite. Ce qui est sûr c'est qu'ils vont devoir affronter une belle équipe de France. » Grâce à leur futur adversaire, les Tricolores sont donc entrés dans leur quart bien plus tôt que prévu tout en profitant de la journée de repos supplémentaire qu'ils ont eue. « Dans l'enchaînement des rencontres et des combats qui ont été menés notamment pour ceux qui sont les plus sollicités dans notre groupe, cette journée supplémentaire est arrivée comme une vraie bouffée d'oxygène, reconnaît Guillaume Gille. Cela permet de recharger les batteries, de bien récupérer, de se soigner et en même temps d'envisager la préparation à ce quart de finale d'une manière plus étendue, moins compacte. Ça laisse à tout le monde des fenêtres de respiration, ce qui me semble essentiel dans une compét' telle qu'un Mondial. » Sans mésestimer la Hongrie et ce 1er match couperet auquel ils seront confrontés, les Français peuvent envisager l'avenir avec sérénité. D'aucuns pourraient penser qu'ils se sont rendus la tâche plus aisée en faisant un sans faute et en s'offrant jusqu'à une éventuelle finale, une partie de tableau beaucoup plus favorable en évitant l'Espagne et le Danemark. « Voyons, s'agace Valentin Porte, qui aurait pensé avant le Mondial que le Qatar serait en quart de finale ou que le Japon ferait match nul ou que l'Argentine battrait la Croatie ? La Hongrie, c'est très fort, il ne faut pas se baser sur le match de hier (lundi). Non, non, on les prend très au sérieux et aujourd'hui je ne peux pas dire si cette équipe est moins forte ou plus forte que l'Espagne ou le Danemark. Concentrons nous sur la Hongrie, après si on passe, arrivera sûrement la Suède, je les ai vus jouer et il y a de grosses qualités chez eux. Des surprises sont encore possibles. » La prudence n'occulte pas l'ambition surtout du côté des plus jeunes qui ont envie d'étoffer leur carte de visite. « Quand tu arrives à ce stade de la compétition, tu penses à aller au bout, confirme Dika Mem, après c'est vrai qu'on part de loin, beaucoup de personnes n'y croyaient pas forcément. Depuis décembre, on a beaucoup travaillé, on a progressé en tant que groupe, aujourd'hui on est en quart et c'est clair que dans la tête de tout le monde ici, notre but est d'aller au bout et de n'avoir aucun regret. » Pour le rêve absolu, il faudra donc attendre un peu. La Hongrie est malgré une prestation trompeuse, un sacré obstacle à franchir.
FRANCE - HONGRIE à suivre ce mercredi 27 dès 20h30 sur BeIN Sports 1 ou en clair sur TFX
La réflexion du jour...
... de la part de Valentin Porte sur Michaël Guigou dans son rôle de capitaine : « J'aime bien voir "Micka" comme cela. Il prend son rôle très à cœur et ça, c'est très bien qu'un tel joueur apporte son expérience avec les mots justes dans les moments importants. Ça lui a donné un petit coup de jeunesse à notre "Micka", donc tant mieux pour lui, tant mieux pour nous, cela ne peut être que bénéfique pour la suite. »
Le choix délibéré de la Hongrie
Quelle mouche a donc piqué l'entraîneur hongrois Istvan Gulyas lundi pour faire une quasi impasse sur le match face à l'Espagne ? C'est vrai que les deux formations étaient assurées de basculer en quarts mais au final, l'addition paraît bien corsée en faveur des Espagnols (36-28). « Les cadres avaient été très sollicités lors des 5 premiers matches et il fallait les faire souffler, ensuite, il y a un petit calcul derrière tente d'expliquer Attila Borsos, consultant à la télé hongroise et ancien joueur de Nîmes et Chambéry. Se retrouver dans ce côté-ci du tableau en évitant le Danemark et la Norvège, c'est plus avantageux. » Au coup de sifflet final, l'entraîneur hongrois a assumé son choix et a même trouvé des éléments de satisfaction dans ce qu'a produit son équipe en seconde période. Ce mercredi, elle affrontera donc la France en quart. « Il y a peut-être un risque mais si la Hongrie veut passer, elle devra réaliser un exploit, c'est aussi pour cela que certains joueurs ont été ménagés. En plus, je pense que le style des Français lui convient mieux que la Norvège qui joue un peu plus vite. Les Hongrois, ce sont de grands gabarits et ils ont du mal à suivre le rythme que pourraient leur imposer les Norvégiens. Quand on voit évoluer la France, il y a des accélérations mais c'est moins rapide. Mais la Hongrie qui n'a pas le palmarès des Bleus a beaucoup de respect à leur égard.». France-Hongrie... voilà neuf ans que les deux formations ne se sont pas rencontrées en compétition officielle (à l'Euro serbe de 2012). Un match amical avait été organisé en avril 2016 à Toulon. Autant dire que depuis, bien des choses ont changé dans le fonctionnement des deux formations. La Hongrie a notamment profité de l'influence espagnole au niveau de la sélection avec Dujshebaev (2014-2016) et Sabaté (2016-2017) mais aussi de ses deux clubs phare puisque Veszprém est dirigé par David Davies et Szeged par Juan Carlos Pastor. « Il ne faut pas oublier que Chema Rodriguez fait partie du staff actuel, souligne Attila Borsos. C'est lui le véritable tacticien de la sélection. Avec Gulyas et même Laszlo Nagy, ils sont très complémentaires. Tous les trois ont réussi à instaurer une complicité entre tous les joueurs même si les individualités sont puissantes. » On l'aura compris, la Hongrie repose sur une colonne vertébrale très efficace avec Mikler dans les buts, Lekai (photo ci-dessus) à la manœuvre et Banhidi au pivot. Le jeune et talentueux arrière droit Mathé (21 ans), son compère Szita (22 ans) et Bodo sur le côté opposé. « Il y a quand même un gros défaut, c'est l'utilisation des ailiers qui sont privés de ballons. La Hongrie n'est pas souvent en situation de contre-attaque. Mais quand tu as des arrières comme Bodo, Szita ou Mathé ou même Ancsin, tu bombardes (rires) et si la défense monte, tu as Lekai qui trouve la solution en 1 contre 1 ou en sollicitant Banhidi dedans. Donc quand tu es ailier en équipe de Hongrie, il ne faut pas t'attendre à briller.» Sur ce Mondial, leur parcours a été plutôt tranquille avec deux adversaires assez faibles d'entrée (le Cap Vert et l'Uruguay), une Allemagne amoindrie (succès d'un but), le Brésil (+6) et la Pologne (+4) et donc le revers assumé face aux Espagnols. A quel type d'opposition doit-on s'attendre contre la France ? Les individualités vont-elles primer sur le collectif ? «La clé pour moi, réside dans la capacité de la défense française à arrêter les grands gabarits de la base arrière hongroise mais aussi dans l'efficacité des gardiens. Gérard ou Genty sont capables de faire des grands matches mais aussi de passer à travers. Mikler lui, est très régulier, il est serein, en confiance, il joue tous les matches, un peu comme Omeyer à l'époque. » Si son cœur penche pour la Hongrie, Attila Borsos (photo ci-dessous) qui a évolué plus de 12 ans en France et porté le maillot de cinq clubs différents (Nantes, Nîmes, St Brice, Chambéry, Villeurbanne) reste très attaché au hand tricolore et à son ami et ancien partenaire en Savoie, un certain Guillaume Gille.