Désolé, Frédéric Beigbeder. Entre Ana Gros et le championnat de France, l’amour ne dure pas trois ans, mais sept et demi… Arrivée à l’hiver 2014 comme joker médical à Metz, en quête d’un temps de jeu que Thüringen ne lui accordait plus, la gauchère de Ljubljana (30 ans ce jeudi) aura été tout ce temps une actrice de premier plan de la Ligue féminine. L’un de ses plus beaux joyaux, qui ne scintillera bientôt plus…
Meilleure buteuse des trois derniers exercices, couronnée quatre fois pendant son séjour mosellan (2014, 16, 17 et 18), la Brestoise n’ira effectivement pas jusqu’au bout de son contrat. Dans l’air depuis quelques semaines, son engagement pour une saison (la seconde en option) avec le CSKA Moscou, dont elle est la première recrue phare, a été paraphé jeudi dernier.
Après la Hongrie (Györ), l’Allemagne, et ce septennat dans l’Hexagone en deux temps, c’était le moment ou jamais pour reprendre le tour du Vieux Continent, argue Gros, qui n’imagine pas un instant finir sa troisième, et donc ultime, saison au BBH sans au moins un titre. La quête se poursuit mercredi (20h30), par une rencontre d’alignement de la cinquième journée de LBE contre Besançon.
La victoire des Bisontines contre Paris 92, la semaine dernière (28-25), vous rend-t-elle plus vigilante avant de les accueillir ?
Bien sûr ! Contre Besançon, c’est toujours très compliqué. C’est une très belle équipe, qui joue bien au handball, qui est agressive en défense. Ce sera difficile, physique. Il faudra bien se préparer, rester concentrées pour gagner.
Votre invincibilité en LBE (8 victoires de rang), la perspective de passer en tête si le BBH gagne au moins deux de ses trois mises à jour (*), ajoutent-ils de la pression à l’exigence habituelle de résultat ?
En ce moment, forcément, regarder le classement ne sert pas à grand-chose. On reste concentrées, on prend chaque match l’un après l’autre. Il ne faut pas perdre les points facilement, n’en lâcher aucun jusqu’à la fin.
Quelques mots, également, sur la Ligue des Champions. Quel sentiment vous laisse le partage de dimanche, à domicile, contre Buducnost Podgorica (28-28) ?
Si on regarde le match dans son ensemble, on peut quand même être contentes de ce point. Après, notre performance n’était pas bonne du tout. On n’a pas bien joué, on était derrière de sept buts (11-18 à la mi-temps). Je suis quand même fière qu’on soit revenues. On pouvait gagner ce match à la fin, mais aussi le perdre. Ce sont des émotions mélangées. Mais ne pas perdre, c’est déjà bien.
Est-ce néanmoins une mauvaise affaire pour la qualification directe en quarts de finale (**) ?
Ce sera beaucoup plus compliqué, oui. Ca ne dépend pas de nous non plus. On donnera tout dans les trois derniers matches (Györ et Valcea à l’extérieur, Dortmund à l’Arena), on verra ce qui se passe, et contre qui on jouera ensuite.
Venons-en à votre transfert au CSKA Moscou. Pourquoi avoir activé votre clause libératoire un an avant la fin de votre contrat à Brest ?
Ce n’est pas que pour le handball. Je voulais d’autres challenges : vivre dans un autre pays, apprendre une autre langue, et surtout vivre dans une très grande ville. Moscou, c’est quelque chose… Je n’ai jamais vécu dans une grande ville, plutôt dans de petites. Je ne voulais pas laisser passer cette opportunité, ne pas la regretter derrière.
Êtes-vous donc prête à apprendre l’alphabet cyrillique ?
C’est ça ! J’ai déjà commencé, j’apprends doucement (rires) !
"Gagner des titres avec Brest, j'y crois très fort"
Plus sérieusement, en quoi cette proposition russe était-elle impossible à refuser ?
Pour plein de choses. Le CSKA, c’est à Moscou, dans une belle ville. Le club a aussi beaucoup d’ambitions, veut gagner la Ligue des Champions, ce qui reste le très grand objectif de ma carrière. Il y a une belle équipe là-bas, de très bonnes joueuses. Cet ensemble m’a intéressé, c’est pour tout cela que j’ai décidé de partir.
Serait-ce donc plus un choix sportif, culturel, que financier ?
Je ne peux pas cacher que le côté financier a beaucoup compté. J’ai presque trente ans, je ne suis plus la plus jeune. Bien sûr qu’il faut penser à l’après-carrière, à gagner de l’argent pour que la vie d’après soit un peu plus facile, si je puis dire. On sait qu’avec le handball féminin, on peut pas gagner beaucoup pour vivre tranquillement après… C’est donc aussi important.
Avez-vous une idée bien avancée de votre après-carrière ? L’envisagez-vous toujours dans le secteur du tourisme ?
Normalement, je l’espère. Je fais encore des études, que je n’ai pas encore finies. J’aimerais bien faire quelque chose dans le tourisme, mais je ne suis pas fixée dessus. S’il y a d’autres opportunités, quelque chose d’autre, pourquoi pas…
Avec votre prochain départ, ceux d’Isabelle Gullden et de Laurent Bezeau, une fin de cycle se profile à Brest. Raison de plus pour la réussir, avec un ou plusieurs trophées ?
Oui, c’est sûr. Depuis que je suis à Brest, on n’a pas encore gagné un titre. J’aimerais d’abord gagner le championnat de France, un grand objectif de notre club. En Ligue des Champions, je pense vraiment qu’on peut faire quelque chose. Si la saison dernière était allée jusqu’au bout, je suis sûre qu’on aurait pu gagner quelque chose. Comme ça n’a pas été possible avec le Covid, j’espère que cette année, on va le faire, et on peut le faire. J’y crois très fort. J’espère vraiment finir cette saison en beauté avec des titres.
A la fin de cette saison, direz-vous « au revoir » ou « adieu » à la France ?
Au revoir, toujours au revoir ! Je pourrais revenir, on ne sait jamais…
(*) si Brest et Metz se retrouvent ex aequo, les Finistériennes seront devant, au bénéfice de la confrontation directe (30-19).
(**) deuxième du groupe B avec 15 points, le BBH est à égalité avec le… CSKA Moscou, avec deux matches de plus que les Russes.