Rien ne prédisposait Marco Mengon à devenir handballeur professionnel. En Italie, la discipline est considérée comme mineure et n’est pratiquée à l’origine qu’à l’école, tout au plus au lycée. Et encore, lorsqu’un terrain aux dimensions voulues existe.
C’est sur la commune de Lavis au pied des Alpes à quelques kilomètres de la frontière avec l’Autriche, où il a grandi en compagnie de son frère jumeau Simone que le Cessonnais a débuté. « Un jour, j’ai suivi des copains de classe qui avaient commencé à jouer au hand, avec Simone, ça nous a plu et on a continué. Je reconnais que ça tient au hasard. En plus, il n’y avait aucun antécédent dans la famille.» Le club de Pressano (du nom d’un hameau de Lavis) fait partie des meilleurs de la péninsule et les frangins vont y faire leur gamme. « En équipe de jeunes, en moins de 16 et de 18, on a régulièrement gagné le championnat d’Italie, on s’entraînait avec les plus grands qui évoluaient eux en série A (la 1ère division italienne) mais c’est plutôt mon frère qui jouait en équipe 1. » Et puis il y a presque quatre ans, au "Mondialito" organisé en région parisienne pendant le Mondial 2017, la machine s’emballe. Les deux jeunes italiens qui avec leur "Squadra Azzura" ont atteint la petite finale (perdue face aux Français - génération 2000-2001) tapent dans l’œil des recruteurs de Montpellier. « La 1ère chose qu’on a faite c’est de regarder sur Google Maps où se situait la ville. On connaissait la réputation du club mais pas où cela se trouvait. On est allé faire des essais et on y est resté. Avec mon frère, on avait même du mal à y croire, c’était comme dans un rêve.» Ils seront vite confrontés aux exigences de l’Académie naissante du MHB. « Je me souviendrai toujours du 1er entraînement (à Bougnol) où tout naturellement, tu croises les stars de l’équipe professionnelle que tu n’avais vues jusque-là qu’à la télé. Je me rappelle qu’on avait un ballon et on leur a demandé de nous le signer (rires). On a vite réalisé où on mettait les pieds ! » Les frères Mengon passeront trois saisons dans l’agglomération héraultaise, prenant peu à peu leurs repères, se délectant des ondes positives dégagées par leur environnement. Ils voient le MHB gagner la Ligue des Champions, de quoi un peu plus exacerber leur fierté. Ils se retrouvent pourtant à l’heure du choix, celui où les deux chemins vont inévitablement se séparer d’autant qu’en mars 2020, Marco rejoint Cesson comme joker médical pour pallier l’absence d’Allan Villeminot qui vient de se faire les croisés. Pour lui, ce sera la Bretagne, pour Simone, le Béarn à Billère. « On a toujours tout fait ensemble et là, il fallait sortir d’un certain confort. On signait notre 1er contrat pro et il fallait se débrouiller l’un sans l’autre.» Mais la distance ne va jamais altérer la complicité.
Après la période de confinement et quelques jours de vacances, Marco Mengon retrouve Cesson qui vient d’accéder à la Starligue. Au sein d’une équipe rajeunie où inévitablement, il aura quelques responsabilités. « Avoir du temps de jeu, c’était important pour moi. L’équipe a commencé sans trop de pression, consciente de sa valeur. » Neuf matches (5 défaites, 3 nuls, 1 seul succès) plus tard, le promu breton est 12ème de l’élite, à sa place certainement même si… « On espérait peut-être mieux, surtout quand tu vois qu’on perd d’un but face à Aix ou qu’on rivalise avec Montpellier (28-28 à Bougnol). Paris et Nantes, c’était trop gros pour nous. » Les deux prochains rendez-vous face à Créteil (ce jeudi) et à Istres (une semaine après) ont une importance capitale. « C’est contre ces équipes qu’il faut assurer le maintien. I y a aussi Tremblay, Ivry et Chartres. » Sauf que depuis quelques semaines, les matches se disputent à huis clos et au-delà de la frustration d’évoluer devant des gradins vides, les joueurs ont quelques inquiétudes sur leur avenir. Le club vient d'ailleurs de lancer une cagnotte et un appel aux dons pour assurer sa survie. Ni plus, ni moins. « Bien-sûr que cela nous touche ! Mais comme je suis d’un naturel optimiste, je pense que la situation va s’améliorer. Enfin, j’espère. Et qu’en février, on pourra retrouver du public à l’Arena.» En attendant, Marco Mengon continuera son apprentissage en Starligue, dans le milieu pro et au sein d’une sélection italienne qui a encore un long chemin à parcourir pour atteindre un niveau honorable.
Le handball, parent pauvre de l’Italie...
Dix fois moins de licenciés que le basket ou le volley, sans même parler du football qui est une véritable religion dans la péninsule, le handball n’a pas le même rayonnement en Italie que dans le reste de l’Europe. « Il y a deux gros problèmes, stigmatise le DTN Riccardo Trillini (photo ci-dessus), la place dans les médias et bien-sûr l’argent. Jusqu’à 18 ans, les lycéens et les étudiants peuvent s’entraîner plusieurs fois par semaine. En série A (1ère division), il y a très peu de joueurs professionnels, beaucoup ont un travail à-côté. Et puis en 2010, la Fédération n’a pas fait le bon choix en mettant 36 clubs en 1ère ligue. Un vrai bazar ! Tout le monde pensait être au niveau alors que c’était catastrophique. Il a fallu remettre de l’ordre et on est revenu à 15 équipes. C’est moins compliqué pour repérer un joueur de qualité.» Autre souci endémique dont souffre le handball italien, le manque d’infrastructures en raison des dimensions du parquet. « Dans les écoles, il n’y a aucune obligation à avoir des terrains aussi grands. Le volley et le basket sont privilégiés. » Il manque surtout une tradition et des résultats sportifs pérennes. La seule participation d’une sélection à une compétition majeure remonte au Mondial 97 où elle a terminé 18ème (sur 24) et à l’Euro 1998 que l’Italie, classée 11ème (sur 12) avait elle-même organisé. « Il faut y croire sinon cela ne sert à rien ; Depuis 3 ans que je suis DTN, on a révolutionné la Fédération et on a besoin de temps. L’équipe nationale est assez jeune, la majorité des joueurs a entre 18 et 25 ans et je pense qu’on est sur le bon chemin. » Même s’il a parfois l’impression de prêcher dans le désert, faute d’interlocuteurs attentifs, celui qui cumule aussi la fonction de sélectionneur reste admiratif de ce qui se pratique dans les pays limitrophes. « Je suis venu plusieurs fois en France pour m’imprégner de vos méthodes. C’est très enrichissant. Avec les Français, nous sommes cousins et nous avons presque la même mentalité et je me dis que si ça marche en France, cela peut marcher en Italie. » Riccardo Trillini veut développer les échanges et inciter les clubs français à regarder au-delà de la frontière comme l’a fait Montpellier en 2017 pour les frères Mengon. « Il n’y a pas que les jumeaux. D’autres Italiens évoluent dans les championnats étrangers. Il y a Parisini qui a commencé en N1 à Angers et qui joue à un excellent niveau à Istres, le jeune gardien Colleluori est au centre de formation de Nantes et Bulzamini qui était à Nice, est parti cette année, en Asobal à Cuenca. En Espagne, il y a aussi D’Antino à Nava ou Savini à Guadalajara. » C’est en multipliant ces expériences que le hand italien pourra sortir de l’anonymat dans lequel il est tout de suite tombé. « Je comprends qu’un club français préfère recruter un "Yougo", un Argentin ou un Brésilien au détriment d’un Italien. Mon objectif est de faire en sorte que les mentalités évoluent car nous avons de jeunes talents ici qui ne demandent qu’à grandir et à atteindre un bon niveau. Je ne suis pas agent mais je me tiens à la disposition des Français ou des Espagnols pour les mettre en contact avec nos joueurs. C’est aussi mon intérêt pour l’équipe nationale. Plus il y aura d’expérience, plus les résultats s’en ressentiront.» Dans un système qualificatif où lors de chaque campagne (mondiale ou européenne), l’Italie doit passer par des barrages, les résultats ne sont guère encourageants. Pour l’Euro 2022, si l’épouvantail norvégien est intouchable, certains espoirs sont permis face à la Lettonie du Parisien Kristopans ou le Belarus du Raphaélois Gayduchenko. « Les 3-4 années à venir sont importantes pour le hand italien. Avec beaucoup de travail et de la patience, on peut atteindre un niveau semblable à celui de l’Autriche ou de la Suisse.»