Dire que la limpidité préside au bon déroulement du championnat de Proligue serait aller vite en besogne. Entre équipes affectées par la pandémie du coronavirus, un huis clos qui n’arrangeait finalement personne mais qu’il a bien fallu accepter et les reports validés par la COC (Commission d’Organisation des Compétitions),le calendrier a été quel que peu chamboulé et il faut garder la tête froide pour suivre son évolution.
A ce jour, 18 matches ont été remis à plus tard, les 7ème et 8ème journées carrément repoussées au printemps. Dans ce contexte, le classement doit-il être pris au sérieux ? On serait tenté de répondre par l’affirmative, tant les équipes qui occupent le Top 7 figurent parmi les budgets les plus conséquents de Proligue.
Alors qu’en Starligue, devant les caméras de télévision, les quelques matches diffusés par beIN pâtissent du manque d’ambiance du à l’absence des spectateurs en tribunes, de véritables courants d’air et un quasi anonymat entourent les rencontres à l’étage inférieur.
Qui de mieux placés que les joueurs pour avoir une photo à l’instant T d’une compétition qui depuis quatre ans et son passage sous l’aile protectrice de la LNH, avait acquis un intérêt certain ? Quels joueurs ? Il fallait faire un choix. Obligatoirement arbitraire mais assez représentatif. Et ce choix s’est porté sur le Nancéen Yann Ducreux (à gauche sur notre photo de tête) et le Sélestadien Nicolas Minne (à droite). Le 1er, bon routier de cette 2ème division, le second qui commence à y user ses semelles. Leur point commun ? Faire partie d’une équipe qui caracole en tête du classement et qui cette saison, a des velléités d’accession à l’élite.
Retrouver vos deux clubs en tête, est-ce un leurre ou une évidence ?
Yann Ducreux: J’espère bien que ce n’est pas un leurre. Cela fait 2-3 ans qu’on est plus en haut qu’au milieu et qu’en bas et là, le club a clairement affiché ses ambitions, c’est jouer les 1ers rôles et quelle que soit l’issue du championnat, on l’a vu la saison dernière, se retrouver au niveau supérieur. On est un des rares clubs où le budget n’a pas été trop impacté par la crise sanitaire, les partenaires nous sont restés fidèles. Je pense qu’on est à la place où on doit être.
Nicolas Minne: On a chuté à Dijon. 1ère défaite de la saison au bout de six matches. Je dirais que c’est un mal pour un bien. Cela va nous permettre de redescendre et de nous ramener les pieds sur terre. Si on se base sur la saison dernière, à l’entame de celle-ci, on ne savait pas trop où on pouvait aller. Il faut surtout qu’on reste focalisé sur nous-mêmes et on verra où cela nous mènera. L’accession en Starligue n’est pas du tout l’objectif 1er. Ce qu’on vise, ce sont les play-offs, ce qui serait déjà pas mal.
Une grande majorité de ces adversaires était à votre portée…
Y.D: Excepté Massy et ce n’est pas leur faire injure, on a joué les clubs de la 2ème partie. On s’attaque aux gros morceaux en les enchaînant en décembre, même si cette fin de semaine, on se déplace à Cherbourg qui est un prétendant. Mais bon, on voit aussi que face aux prétendus petits, des points peuvent s’envoler.
N.M: C’est aussi le calendrier qui veut ça. Avant Dijon, on a eu des adversaires peut-être moins bien armés. Je mets quand même un bémol. Ça reste la Proligue et chaque équipe joue crânement sa chance. Il n’y a pas de matches faciles. A Strasbourg (+1) et Sarrebourg (+2), on a du lutter jusqu’au bout et certains risquent de se casser les dents chez eux.
Malgré la situation, l’équipe est-elle mieux armée pour atteindre ses objectifs ?
Y.D: Il y a eu quelques départs dans le groupe pro mais aussi un recrutement… stratégique. La quantité a été réduite mais on a gagné en qualité avec un Tchitombi qui conduit le jeu et qui nous amène l’impact qui nous faisait défaut par le passé. Il y a aussi pas mal de jeunes en devenir sur les rotations. Peu importe ce qui est aligné sur le terrain, le niveau de jeu ne baisse pas. En Proligue quand la plupart du temps, chaque équipe s’appuie sur 8-9 joueurs, nous on tourne à 14.
N.M: Notre équipe a perdu quelques pros comme Cauwenberghs ou Perisic mais a intégré pas mal de joueurs issus de la formation. Sélestat veut travailler sur ces jeunes qui ont du potentiel en étant montés en N1 l’année dernière avec une génération championne de France U18, il faut exploiter leur talent pour espérer rester dans les 1ères places et donc ce top 6. Peut-être qu’individuellement, c’est moins bon et moins expérimenté mais collectivement, ça tient la route et c’est mieux que la saison écoulée.
Yann Ducreux, après dix ans de Proligue, mérite certainement mieux
Globalement, est-ce qu’après 5-6 journées, la hiérarchie est respectée ?
Y.D: Je pense qu’on peut dire que ce qui s’est passé jusque-là est assez logique. Mais il faut se remettre dans le contexte. Habituellement, on lorgne vers la période de Noël pour se reposer, là, des équipes ont eu une coupure de trois semaines, la préparation avait été assez longue… on retrouve c’est vrai les gros budgets en tête mais il n’y a eu que cinq rencontres pour une grande majorité des 14.
N.M: A vrai dire, je n’en sais trop rien. La Proligue, cela fait 4 ans que j’y joue et 4 ans qu’il y a des surprises à chaque journée. Mais au vu des ambitions annoncées, des budgets, des équipes, le classement actuel est plutôt cohérent. Dans la période compliquée qu’on traverse, les éventuels reports, je crois que les équipes qui s’en sortiront, seront celles qui sauront s’adapter à cette situation atypique.
Avec les mesures sanitaires, le huis clos, l’approche d’une rencontre a-t-elle changé ?
Y.D: Carrément. Le fait d’évoluer à domicile ne représente plus vraiment un avantage. On peut le voir en Starligue à travers quelques résultats. Tu joues sur un terrain neutre. Cherbourg par exemple a l’habitude d’avoir un gros public qui met une grosse ambiance, on y va dimanche, sans dire qu’on sera avantagé, ça risque de leur manquer.
Professionnellement, est-il légitime que certains soient inquiets sur leur avenir ?
Y.D: Sincèrement, si en Proligue, des joueurs te disent qu’ils sont totalement sereins, c’est qu’ils n’ont pas pris conscience de la réalité. Il faut craindre une 2ème vague qui va tout écraser. Je me fais moins de soucis pour des grosses structures de Starligue, certaines vont baisser leur budget mais comme c’est la vitrine, elles resteront à flots, je ne voudrais pas que la D2 retrouve le niveau qu’elle a connu.
Comment cela ?
Y.D: Cela fait dix ans que j’évolue à ce niveau et la progression a été fulgurante. Ce qui me fait peur, ce serait un bond en arrière, un retour aux conditions de la Pro D2. Avec une certaine précarité, des contrats pas toujours bien identifiés avec un défraiement qui compensait une partie du salaire, bref, une régression qui serait dommageable.
N.M: Tous les joueurs s’interrogent sur leur avenir, moi le premier. Tous ceux qui sont en fin de contrat ne savent pas de quoi demain sera fait. Les clubs font d’énormes efforts pour maintenir le cap mais c’est certain, il y aura des changements et des budgets revus à la baisse.
Le club a-t-il été obligé de rogner sur certaines dépenses, vous a-t-on par exemple parlé de baisse de salaire ?
Y.D: Le président (Hervé Alt) a été dès le départ très honnête. Même pendant la 1ère vague où il y a eu la mise en place du chômage partiel, il a respecté ses engagements. Je crois qu’il n’y a qu’un seul mois, en juin, qu’on a reçu que 80% de notre salaire, le reste du temps, on a eu 100%. Mais il nous a clairement prévenus que s’il y avait une 2ème vague et un reconfinement, cela allait être très compliqué.
N.M: Nous avons bénéficié du chômage partiel mais le club a tenu à ce que notre pouvoir d’achat ne soit pas entamé. Nous avons également touché 100% de notre salaire.
Etes-vous prêts à consentir à des sacrifices ?
Y.D: Il faut intégrer cette éventualité dans nos esprits. Quand tu n’as plus de rentrées d’argent, c’est la masse salariale qui est la 1ère impactée. Cela n’a pas été le cas à Nancy, il faudrait que les aides arrivent du gouvernement et que la situation du huis clos ne s’éternise pas.
N.M: Il y a eu jusque-là une parfaite anticipation du club. Chez nous, la masse salariale n’est pas non plus énorme. Après, je le redis, il y a de l'incertitude, on ne maîtrise pas tout et on ne peut pas savoir ce que va nous réserver l’avenir.
Nicolas Minne, un "ancien" de 25 ans qui marque des buts
Chez les Minne, c’est le plus jeune qui est le plus connu. Il y a deux semaines, Aymeric a intégré France A après n’avoir connu que des clubs de l’élite (Toulouse, Aix et désormais Nantes). Nicolas de 2 ans son aîné, n’envisage pas encore de faire valoir ses droits à la retraite. « Après Capella et Gutfreund, je suis le plus vieux de l’équipe de Sélestat ! L’année dernière, je suis arrivé avec un statut de cadre et en quelques mois, je passe pour un ancien. J’ai moi-même l’impression d’être plus âgé ! (rires). Mais cela ne me dérange pas, c’est plutôt une source de motivation. » D’autant que l’arrière gauche qui a évolué à ses débuts à Toulouse puis Créteil et Nice avant de rallier l’Alsace, est apprécié pour la précision de son tir. Ce n’est pas un hasard s’il est le meilleur réalisateur actuel de la Proligue avec 46 buts (dont 17 à 7m). « C’est vrai qu’à ce niveau, je suis plutôt sur la dynamique niçoise (215 buts en deux saisons). La saison dernière, j’ai traversé une longue période d’adaptation. A Nice, il y avait moins d’attente, le club venait juste de monter, les moyens et les objectifs étaient plus modestes. A Sélestat, il y a une vraie histoire avec d’illustres anciens donc forcément ici, il y a plus d’exigence. J’ai des responsabilités, l’entraîneur et mes partenaires me font confiance, me trouvent même transformé, je tire les penalties, je suis plus serein, plus appliqué, globalement, je pense avoir gagné en maturité. » Mais après quatre saisons en Proligue, après avoir goûté du bout des lèvres à l’élite à ses débuts, le natif de Melun ne vise-t-il pas l’excellence ? « C’est carrément mon objectif. Avec ou sans Sélestat, je n’en sais rien puisque je suis en fin de contrat. Je n’ai jamais caché que mon ambition était d’évoluer en Starligue, le club et mes partenaires le savent. » Pour retrouver Aymeric dans le sillage de quelques fratries célèbres qui ont su rayonner sur le championnat d’élite. « C’est ce qui me ferait le plus plaisir, surtout qu’on a évolué pas mal d’années ensemble et on se connaît plutôt bien ! (rires). » Oui mais où et surtout comment ? Comme adversaire ou partenaire ? « Il faut poser la question à Monsieur Pelletier et aux dirigeants de Nantes (sourires). » Le postulat est louable. A 25 ans, Nicolas Minne a sans doute une nouvelle aventure à construire.