A moins d'une semaine
de la première journée, qui doit normalement voir Mérignac
accueillir Brest, l'ailière droit girondine a hâte de disputer son
premier match officiel depuis 15 mois. Mais le bon déroulement d'une
saison plus que jamais dépendante des aléas sanitaires la tracasse aussi. « J'ai peur pour mon championnat », avoue-t-elle
sans détour...
Dans les faits, la
troisième saison d'Audrey Deroin à Mérignac sera la deuxième. La
double vice-championne du monde (2009 en Chine, 2011 au Brésil)
n'est plus apparue en compétition depuis le 18 mai 2019, un soir de victoire contre Saint-Maur (24-18, 6 buts) et de
célébration de la remontée dans l'élite. Une succession de cas de
force majeure, plus ou moins heureux, sont ensuite passés par là.
Une grossesse, la naissance d'une petite fille au tout début de
cette année, puis un confinement tombé pile quand elle devait retrouver les parquets.
Alors que le virus
continue d'imposer son calendrier, ce qui a engendré l'annulation
des deux derniers matches amicaux du club girondin, l'ailière qui
soufflera ses 31 bougies ce dimanche se languit de renouer avec
l'élite, plus de deux ans après avoir quitté Dijon pour la
Nouvelle-Aquitaine. Mais pas dans n'importe quelles conditions...
développées, comme tout le reste, avec sa franchise coutumière.
Cette saison écoulée
blanche, pour diverses raisons, a-t-elle été la plus étrange de
votre carrière ?
« J'ai accouché le 2
janvier, et je me suis battue comme une forcenée pour revenir le
plus rapidement possible. J'ai été autorisée à reprendre les
matches le 14 mars, avec la N1. En fait, deux jours auparavant, on
nous a annoncé l'arrêt de tous les matches, et le mardi (17), on
était confinés. Du coup, on m'a un peu coupé l'herbe sous le pied,
mais je pense que c'était un mal pour un bien. »
Etait-il
inenvisageable de rester inactive pendant ces huit semaines ?
« Déjà, pendant ma
grossesse, je n'y arrivais pas ! J'étais encore en train de faire de
la musculation. Bien évidemment, j'étais suivie par des
professionnels, toujours à l'écoute de mon corps. Quand Amaïa est
sortie de là-dedans (rires), je n'avais qu'une envie : vite
retrouver les terrains. Après, malheureusement, il y a eu
l'épidémie... J'ai passé le confinement au Pays Basque, chez ma
belle-famille. Il y avait un grand terrain, de quoi s'occuper. On a
appris à travailler la terre, j'ai planté des arbres, on a fait du
potager, je me suis occupée de ma petite. Je me suis aussi
entraînée. Ca m'a peut-être permis d'avoir plus de temps pour moi,
pour perdre du poids et revenir en meilleure forme. »
« Plus dur que de
revenir d'une blessure »
Mérignac a repris
l'entraînement le 6 juillet. Avez-vous vécu ce jour comme une
délivrance ?
« Ca faisait cinq mois
qu'on ne s'était pas vues, qu'on n'avait pas joué au handball. Tout
le monde avait hâte et à cœur de retravailler ensemble, malgré
tous les protocoles sanitaires à mettre en place. Se préparer
individuellement, ce n'est pas pareil que d'être avec un collectif,
de vivre la chose ensemble. »
Les jambes ont-elle piqué ?
« Les jambes, et tout le
corps, et ça pique toujours ! Clairement, revenir d'une grossesse,
c'est plus dur que de revenir d'une blessure. Tout le corps est
chamboulé, tout doit se remettre dans l'axe, il y a du poids à
perdre, et la fatigue. Le corps doit réapprendre à encaisser la
charge de travail. Quand tu rentres à la maison, il y a un bout de
chou qui t'attend mais qui ne va pas forcément te laisser dormir ou
récupérer comme avant... C'est très dur, mais c'est encore plus
beau. Ca se fait amplement, c'est une histoire de volonté. »
La maternité vous a-t-elle changé ?
« Je suis entièrement
la même joueuse, avec encore plus de volonté et de férocité, dans
le sens où j'ai été sur le côté pendant un an. Je reviens avec
les dents acérées. Jouer, je n'attends que ça. Après, je sens que
sur des choses qui pourraient m'énerver ou m'atteindre, je suis
beaucoup plus cool qu'avant. Etre maman, ça change dans le bon sens
du terme. Un jour, Amaïa était à l'entraînement parce que le mari
de Stine (Svangaard) la gardait. J'avais eu un coup de pompe, j'ai
tourné la tête à un moment et j'ai croisé le regard de ma fille,
qui m'a souri. Ca m'a redonné tellement de force que j'ai oublié
que j'étais fatiguée ! C'est quelque chose qui vous transcende. »
« Soit on teste
tout le monde, soit on ne teste personne »
Comme presque partout
ailleurs, le coronavirus a tronqué la préparation du MHB. Sera-ce
un handicap pour la reprise ?
« Cette année,
forcément, la préparation est délicate. Beaucoup de matches sont
annulés par rapport au Covid, à toutes les mesures restrictives. Tu
as peur de ne pas être prête pour le jour J, de ne pas avoir assez
joué. Dans ces cas-là, il faut continuer à s'entraîner, redoubler
d'efforts... Ca serait mentir de dire qu'on ne sera pas prêtes le 9
septembre parce que des matches amicaux ont été annulés. On est
professionnelles, on fait des matches entre nous, on bosse ensemble
pour être prêtes. Toutes les équipes sont dans le même cas. On
sera toutes au même niveau. Cette année, c'est comme ça, on doit
faire avec. J'espère juste que notre championnat ne sera pas bloqué.
Il faut trouver un juste milieu dans les mesures. »
Faudra-t-il toucher
beaucoup de bois pour que la saison se déroule plus ou moins
normalement, aille à son terme ?
« J'entends qu'il faille
des mesures sanitaires. Toutes les semaines, on a un test PCR. Le
problème, c'est qu'aujourd'hui, on teste les professionnelles et pas
les amateurs. Et il y a des amateurs dans les championnats pros et
des pros dans les championnats amateurs. Forcément, il y a aura
toujours des cas positifs. Alors soit on teste tout le monde,
amateurs et professionnels, soit on ne teste personne, parce qu'on ne
va jamais s'en sortir. Aujourd'hui, en D1, on est testées toutes les
semaines. Sauf qu'entretemps, on voit des arbitres, des gens à la
table de marque, des amateurs qui ont tous une vie. Et on peut se
retrouver positif du jour au lendemain, en quarantaine, sans être
forcément allé dans un endroit à risque. J'ai peur que ça fausse
notre championnat. Je n'accuse personne, car c'est une situation
hyper compliquée et je n'ai pas de solution. J'ai vraiment peur pour
mon championnat, peur pour mon métier, peur pour l'économie de nos
clubs. Vous imaginez une place sur deux au Mérignac HB, dans notre
petit gymnase (450 places) ? »
« Prouver qu'on a
notre place, différemment »
Vous avez quand même
pu disputer trois matches amicaux (perdus contre Celles et Dijon,
gagné contre Rochechouart) en août. Les sensations étaient-elles
déjà au rendez-vous ?
« Physiquement, je pense
être prête. J'ai perdu mon poids, je suis bien réathlétisée
grâce à la préparation. Handballistiquement, il me faudra du temps
pour retrouver mon niveau de jeu, mais je commence à avoir de bonnes
sensations et ça me fait du bien. Collectivement, 85 % de l'effectif
a changé. On a des choses positives et négatives. On continue de
travailler dessus pour être prêtes le 9 septembre. On avance
tranquillement, à notre rythme. »
L'effectif de Philippe Carrara
a effectivement beaucoup bougé, avec huit renforts (Dazet, Zazai, Lignières, Falcon et Le Borgne dans les buts, etc.).
Qu'apporteront-ils au collectif ?
« De la fraîcheur !
Elles sont venues dans le but de ne pas reproduire les erreurs de la
saison passée, elles sont toutes motivées. Le groupe est équilibré
avec de jeunes joueuses prometteuses et des joueuses d’expérience,
pour ne pas dire des vieilles ! »
Après une si
longue coupure, vous considérez-vous aussi comme une recrue ?
« Je suis un peu comme une recrue et une
jeune joueuse, vu que je n'ai pas joué pendant un an et demi. C'est comme
ça que je le ressens, mais quand je cours, mon corps me rappelle bien
que j’ai 30 ans ! »
Bon dernier de LBE
quand l'exercice précédent s'est arrêté (19 journées, 19
revers), Mérignac y reste cette saison. C'est une conséquence de
l'élargissement de l'élite à 14 clubs. Il y a clairement une
seconde chance à saisir...
« Même si tout le monde
nous voyait mortes, enterrées et redescendre, je disais que le
système des play-downs pouvait nous permettre de nous sauver. Là, on a une chance inouïe de repartir de zéro, de faire table rase
du passé. J'y pense tous les jours. A nous de la saisir, de ne pas
refaire la même saison que l'année dernière. On est en D1, et ce
n'est pas pour rien qu'on y a notre place. Il faut le prouver,
différemment. »