Il y a vingt ans, au terme d’une confrontation pour la médaille de bronze âprement disputée et perdue (25-26) dans les toutes dernières secondes face à… la France, la Tunisie terminait 4ème de ‘’son’’ Mondial. Un exploit retentissant qui avait projeté des joueurs sur le devant de la scène. On se souvient entre autres, d’Issam Tej, Heykel Megannem, Anouar Ayed et Wissem Hmam qui évoluaient déjà dans le championnat français et qui ne feront que progresser.
Deux décennies plus tard, le handball tunisien est en décomposition avancée. En 25ème position au classement mondial, derrière les Etats-Unis, le Cap Vert ou l’Iran.
Ce mardi en ouverture du championnat du monde, les Aigles de Carthage (comme on les surnomme) ont paru bien déplumé et se sont fait humilier par… l’Italie (32-25), avant de prendre logiquement, une leçon face au puissant Danemark.
Revenu ce vendredi à Toulouse (où il a passé 9 saisons entre 2004 et 2013) pour disputer un match de gala (plus exactement à L'Union contre la N2 locale) avec les anciens du Fénix, l’ailier gauche Anouar Ayed, adjoint de Sylvain Nouet à la tête de la sélection entre 2015 et 2016, a bien voulu s’exprimer sur l’état du malade.
Quand on regarde l’état de l’équipe nationale faut-il être inquiet ?
Oui, je pense car les erreurs qui ont été faites depuis ces dernières années et surtout le retard accumulé en matière de formation des joueurs et d’amélioration des structures existantes, ne se rattrapent pas en claquant des doigts.
L’époque dorée est révolue ?
Au début des années 2000, une dizaine d’internationaux tunisiens jouait en France. Combien y’en a-t-il maintenant et surtout combien sont en sélection ? (Seul le gardien de Toulouse Belkaied est au Mondial). C’est vrai, cela n’a pas été simple mais nous, on a tous été dans des grands clubs. On aimait bien la stabilité et les clubs français nous ont fait confiance. Et cette sérénité a contribué au rayonnement de l’équipe nationale.
Qu’est ce qui vous différencie des joueurs actuels ?
Ils sont mal conseillés et partent un peu n’importe où. Il y a aussi la notion de confort de rester au pays. C’est un véritable gâchis. En 2011 quand les moins de 21 ans ont été 3èmes au champion du Monde (en Grèce avec le Français Alain Portes), on n’a pas su profiter de cette génération exceptionnelle. C’est la politique de la Fédération qui a tiré le niveau de la Tunisie vers le bas. Elle n’a pas su encadrer ces joueurs et ceux qui arrivaient.
Comment ça ?
Les jeunes, attirés par les sommes qu’on leur proposait, n’ont pas hésité très tôt, à aller dans les pays du golfe. Le niveau là-bas n’a rien à voir avec la France ou l’Allemagne. Même pour ceux qui ont été recrutés en France, je pense à Sanai et Bannour (tous les deux à Chambéry) mais aussi Chouiref et Boughanmi (Tremblay), ça n’a pas fonctionné. C’est aussi une question de mentalité. Pour nous, le handball c’était tout, on était des passionnés, des travailleurs, eux, cherchaient tout de suite la facilité. La notion de challenge, quand tu dois t’imposer pour montrer ta vraie valeur, n’a plus la même signification.
Excepté Alain Portes, l’expérience avec les coaches français (Nouet, Cazal) n’a pas donné les résultats escomptés…
A partir de 2016, c’est le début du malaise. On a tenté avec Sylvain Nouet de mettre en place un projet mais on n’a pas eu le temps. Sylvain n’a pas supporté l’injustice lors de la finale de la CAN (contre l’Egypte au Caire), il a été sanctionné (par l’IHF) et son contrat a été rompu par notre fédération.
As-tu la sensation d’avoir été lâché par cette Fédération ?
Le mal d’un dirigeant chez nous, c’est qu’il fait en même temps de la politique, qu’il doit toujours donner son avis technique, mettre un joueur en avant... et c’est toujours le cas actuellement. Le sélectionneur n’a pas à faire plaisir à ses dirigeants.
Là, l’Italie qui dispute seulement son 2è Mondial, a humilié la Tunisie…
Le constat est simple. Maintenant avant un tirage des poules, l’Italie est dans le pot 2, nous, on est dans le 4. C’est décevant que la Tunisie soit tombée aussi bas. Elle n’est plus imbattable par d’autres équipes que l’Egypte dans le championnat d’Afrique.
Alors, quelles sont les solutions ?
La fédération doit être consciente qu’il faut bâtir quelque chose de durable et surtout qu’elle laisse faire les techniciens qu’elle recrute. En plus, maintenant, les meilleurs joueurs de l’équipe nationale évoluent dans des clubs tunisiens, dans un championnat de faible niveau. Que les dirigeants arrêtent de mettre le nez dans le sportif et leur guerre pour garder le pouvoir ! Il faut élaborer un véritable projet de jeu qui va des plus jeunes jusqu’aux séniors, qu’on s’y tienne et qu’on soit patient.
Ce samedi, le duel fratricide entre la Tunisie et l’Algérie va décider de la qualification…
Si l’Algérie a de bons arrières, on peut dire que sur le papier, la Tunisie est au-dessus. Là, c’est une question d’honneur, d’orgueil. La défaite est interdite. Et puis, il faut gagner pour améliorer le classement mondial. On est 25ème alors qu’il n’y a pas si longtemps, on se situait autour de la 15ème place.