Montpellier force le respect et avec une 2ème Ligue des Champions ajoutée à son palmarès, le MHB conforte son rang de club le plus titré du handball français. Dans les vapeurs de houblon, la nuit a été courte à Cologne mais qu'importe, tous les acteurs ont parfaitement profité du moment. Chacun à sa manière mais avec une volonté partagée. Pour que l'instant soit gravé à jamais dans les mémoires.
Par Yves Michel, depuis Cologne
Pour commencer, c'est un problème de riches que Montpellier va devoir surmonter dans les semaines à venir. En contemplant dans ses moindres recoins l'œuvre d'art qui récompense le lauréat de la Ligue des Champions, Marc-Henri Hamard, le responsable du développement du MHB a bien été obligé de se rendre à l'évidence. Le bras en fer forgé surmonté d'un ballon de handball dont l'équipe a hérité sur la plus haute marche du podium, était bien trop imposant pour entrer dans la vitrine (déjà bien garnie) du club. Il faudra très vite trouver une solution et un écrin d'exposition plus approprié.
Les joueurs eux, ont tout de suite adopté l'encombrante statut. Ils l'ont caressée, embrassée, bercée et dorlotée comme si c'était un nouveau-né. Un bébé enfanté dans la douleur, au terme d'une semaine qui avait très mal commencé.
Chacun aura inévitablement SA propre histoire avec cette coupe. Le toit de l’Europe, le Graal, le plus convoité des trophées, rien de plus haut, l’aboutissement d’une saison, une ligne sur un palmarès qui compte dans une carrière, les mots et les sensations se bousculent dans les têtes. Car si tous n’ont pas vécu ce moment exceptionnel de la même façon, ils l’ont partagé ensemble. De Pierre Rubens, 19 ans, gardien de l’équipe de France juniors et de la réserve du MHB, pris dans les valises « au cas où » , à Michael Guigou et Vid Kavticnik, les deux seuls avec bien-sûr Patrice Canayer à avoir déjà remporté le trophée, personne n’a été oublié. Une contribution différente mais la même médaille et des souvenirs tenaces que rien n’effacera.
Arnaud Bingo n’a pas été sollicité sur cette finale mais qu’importe, à 30 ans, l’ailier gauche ne perd pas une miette de la fête et du sacre. Formé au hand dès le plus jeune âge dans la région lyonnaise, il peut mesurer tout le chemin parcouru. « C’est vrai que c’est fou car on ne s’imagine pas le travail qu’il faut accomplir pour arriver à ce niveau. A mes débuts en tout cas, j’étais loin d’imaginer tout ça. Quand on est arrivé ici, on était déjà en mission et je suis convaincu que d’avoir perdu à St Raphaël nous a vraiment aidé. On était revanchard contre le Vardar et contre Nantes, on savait ce qu’on avait à faire. Mais le contexte était particulier. » Altruiste, l’homme a toujours su remercier tous ceux qui l’ont aidé comme Farid, rencontré lors des sept saisons passées à Tremblay et qui avait la patience d’attendre que le joueur ait fini ses entraînements individuels pour éteindre la lumière de la salle. « C’est devenu un copain, je peux en effet lui dédier cette médaille. La séance se terminait à 19h mais je restais encore jusqu’à 22h à m’entraîner. Je me dis que quelque part, ça paye 4 ou 10 ans après. Je suis fier de ce que j’ai fait et de cette médaille. »
Ludovic Fabrégas n’a rien changé à ses habitudes et ne comptez pas sur le Catalan pour improviser une danse de Saint-Guy. Il savoure tout simplement ces moments qui seront les derniers à vivre sous la tunique héraultaise. Dans quelques jours, il franchira les Pyrénées et ira s’installer à Barcelone. Il y retrouvera ses partenaires de l’équipe de France Sorhaindo, Mem, Lenne et N’Guessan sous la même tunique blaugrana. « Cette médaille est belle. D’autant plus qu’avec ce club depuis mon arrivée, on a tout connu. Le bateau a même failli couler mais tout le monde s’est battu. Je me suis même demandé si j’allais pouvoir réussir mais aux côtés de partenaires exceptionnels comme "Mika" ou "Vidko" qui ont toujours été là pour me parler et me fixer des limites, j’ai repris confiance. C’est mon 3ème titre avec Montpellier (après la coupe de France et celle de la Ligue en 2016), je pars sur une Ligue des Champions, c’est merveilleux. » La carapace se fend un peu. L’émotion est dans le propos, la performance individuelle est d’autant plus grande que l’ancien champion du Monde jeunes de VTT Trial a échappé au pire en début de saison après que la médecine ait décelé un caillot de sang dans le bras droit. « Je ne savais même pas si j’allais pouvoir rejouer. J’ai dû être fort dans ma tête, j’ai failli y laisser plus qu’un bras et ce soir, ce qui m’arrive c’est inouï. Il y a quatre mois, j’étais interdit de terrain ! Quatre mois plus tard, je gagne la Ligue des Champions ! »
Mohamed Soussi lui, est hilare. Il a essayé d’expliquer à une partie de sa famille, ce qu’il était en train de vivre à Cologne et le niveau d’un Final Four de Ligue des Champions, il n’y est pas parvenu. Il sera le 2ème Tunisien après Sobhi Sioud à inscrire son nom au palmarès de l’épreuve. « Je leur ai dit, il n’y a pas mieux que ça. Déjà, quand on a gagné Barcelone, c’était géant, on a enchaîné sur Flensburg puis le Vardar et enfin Nantes. On a toujours cru en nous.» Au MHB depuis cette saison, l’enfant de Beni Khiar n’avait jusque-là étoffé son palmarès qu’avec des trophées remportés sur le continent africain. « J’ai gagné la Ligue des Champions… africaine mais ça n’a rien à voir. Quand j’étais gamin, je cherchais toujours un poste de télé pour suivre les matches européens de Ligue des Champions. Cela me faisait rêver. Grâce à Montpellier, j’y ai non seulement participé, mais en plus, je l’ai gagnée ! »
Si les noms de Montpellier et de Patrice Canayer sont étroitement liés, l’aventure du club est également indissociable de celle de Michael Guigou. Voilà presque vingt ans que le Vauclusien de naissance rode autour de Bougnol. L’international a été de toutes les campagnes. Qu’elles soient (le plus souvent) victorieuses ou semées de déception. Il est avec son entraîneur, le seul rescapé de l’épopée de 2003 et ce titre européen conquis au nez et à la barbe de Jackson Richardson et Pampelune. « On peut dire ce qu’on veut, Montpellier est le seul à avoir gagné deux Ligues des Champions et on doit être fiers de ça. Après 2003, j’aurais souhaité qu’il y en ait d’autres entre mais à l’époque, beaucoup de joueurs comme Didier Dinart ou Bruno Martini étaient déjà partis. Il a fallu tout reconstruire et cela demande du temps. Souvent, on m’a demandé pourquoi j’étais toujours resté à Montpellier… tout simplement parce que c’est un grand d’Europe et qu’il s’en donne les moyens. Quand j’étais jeune, je suivais l’OM-Vitrolles, je vibrais pour les clubs français et j’espérais porter les couleurs du handball français. Je l’ai fait par Montpellier et l’équipe de France. J’y pensais de moins en moins à gagner une autre Ligue des Champions, cette année, je pensais gagner le championnat national (sourire pincé), mais voilà, c’est comme ça et c’est très bien. Et très sincèrement, les dernières victoires avec Montpellier sont les plus belles que j’ai connues. Et forcément, plus je me rapproche de la fin, plus je suis fier de ce que j’ai fait. »
Diego Simonet, étendard de l'Argentine sur les épaules vient d'être désigné MVP du Final Four. C'est lui qui la veille avait inscrit l'ultime but permettant de sceller face au Vardar la qualification pour la finale. Dans la liesse collective, "Chino" profite pleinement. Aux côtés d'Alicia la maman et Luis le papa (sur notre photo), deux anciens handballeurs de très bon niveau qui ont fait le déplacement jusqu'à Cologne, pour ne rien rater de l'évènement et surtout encourager le cadet de leurs trois fils handballeurs (l'aîné Sebastian et le benjamin Pablo qui évoluent désormais en Espagne, ont porté il y a quelques saisons, le maillot de l'US Ivry. « Je suis bien-sûr très honoré d'avoir été désigné meilleur joueur du tournoi mais ce n'est pas le plus important. Montpellier a remporté la Ligue des Champions et c'est cela qu'il faut retenir. Chacun a fait beaucoup de sacrifices pour y parvenir. Il y a deux ans, lorsqu'une blessure au genou m'a privé des Jeux Olympiques, cela a été très difficile. Mais je me suis relevé et je suis reparti encore plus fort. Dans le club, tout le monde travaille beaucoup, ce trophée est une belle récompense et je suis vraiment très heureux. Tu te rends compte ? Un Argentin champion d'Europe et désigné MVP de la compétition ? C'est complètement fou, non ? Personne n'aurait pu l'imaginer. »
Le retour vers la capitale héraultaise s'annonce grandiose. Le soutien de tous les instants des "Blue Fox" dans les gradins de la Lanxess Arena, la communion avec ces joueurs qui leur ressemblent tant, les larmes de Gérard Didier, porte-voix, cheville ouvrière, âme de Bougnol et qui suit ses "minots" comme il pourrait les appeler depuis si longtemps sont autant de marques qui forcent le respect. Ce n'est pas un hasard si Montpellier Handball est dans le cœur de tous les Français qui aiment ce sport et jouit d'une côte de popularité qui dépasse les frontières de l'Occitanie.
Quelques instantanés de la joie des Montpelliérains (Yves Michel)