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Grâce aux Bleues, Lucie Granier a changé de monde

Mondial

jeudi 23 décembre 2021 - © Laurent Hoppe

 6 min 24 de lecture

Novice en octobre, vice-championne du monde en décembre. L’ailière droit de Besançon et de l’équipe de France a signé une entrée remarquée dans le contexte international. Malgré la désillusion finale, être rentrée d’Espagne une médaille d’argent autour du cou n’est pas pour lui déplaire.

2021, année finissante et très bien remplie pour Lucie Granier. En janvier, la Marseillaise de 22 ans signait son premier contrat professionnel (jusqu’en 2023) avec l’ES Besançon, futur troisième d’un championnat en grande partie disputé à huis clos, puis qualifié pour la phase de groupes de la Ligue européenne (à partir du 9 janvier prochain). Le 6 octobre, l’ailière droit vivait « à domicile » son baptême en équipe de France A, lors du lancement des qualifications à l’Euro (38-22 contre la République Tchèque, 3 buts). Deux mois et demi plus tard, elle compte douze sélections, assorties d’une médaille d’argent mondiale, dans les circonstances que vous connaissez… De retour sur la Canebière pour les fêtes (l’entraînement en club reprendra le 29 décembre), la benjamine des Bleues à Granollers (derrière Pauletta Foppa) débriefe sa première compétition internationale majeure. En longueur, en promenant son accent chantant.

 

Lucie, la seconde mi-temps de la finale de dimanche dernier (22-29 contre la Norvège) sera-t-elle un sujet à éviter à la table du réveillon de Noël ?

« Ce ne sera pas tabou ! C’est important de parler des bonnes choses, comme des mauvaises. La deuxième période nous servira pour plus tard. C’est aussi intéressant d’essayer de comprendre un minimum. Alors si ma famille me demande pourquoi, ça ne me dérangera pas d’en parler. »

 

A tête reposée, pouvez-vous mettre des mots sur cette défaillance qui vous coûte le titre ?

« J’y pense beaucoup, j’essaie de comprendre. Je ne saurais pas dire exactement le pourquoi, ni le comment… On a mis beaucoup d’ingrédients pour gagner les huit matches avant, on savait que la deuxième mi-temps (de la finale) serait très compliquée, que les Norvégiennes (menées 16-10 à la 29ème) auraient un sursaut d’orgueil. On n’a pas trouvé les moyens pour passer au-dessus, on a buté sur la gardienne, on jouait moins bien ensemble. Il ne faut pas enlever non plus le niveau et le palmarès des Norvégiennes. Quand elles ont élevé le curseur, ce n’était pas la même équipe. »

 

L’appréciez-vous tout de même, cette médaille d’argent ?

« C’est ma première médaille. On aurait préféré qu’elle soit en or, mais elle est quand même magnifique. J’en suis très contente, très fière. »

 

Intérieurement, comment avez-vous traversé ce championnat du monde ?

« C’est un mélange de plein d’émotions, assez compliquées à expliquer. Il y avait beaucoup de pression, d’excitation à l’idée d’entamer ce championnat-là. En quart de finale, l’émotion était différente des poules, parce les matches à KO étaient aussi une première. J’ai réussi à vivre le moment présent, à prendre du plaisir sur le terrain avec les filles, à essayer de donner le meilleur de moi-même. »

 

Comment une nouvelle venue s’imprègne-t-elle de l’état d’esprit du groupe France, de sa culture défensive ?

« En octobre, on était sept jeunes, on comptait sur la moitié de l’effectif pour avancer. Là, avec l’objectif du Mondial, c’était différent. Toutes les anciennes ont apporté un plus d’expérience. J’ai essayé de m’enrichir de tout ce qu’elles apportent, de l’énergie d’Alicia Toublanc (l’autre ailière droit du collectif) qui n’avait jamais connu de compétition internationale non plus, pour plonger dans ce bain. »

 

Avoir comme binôme de chambre Chloé Valentini, coéquipière à Besançon jusqu’à la saison dernière, vous a-t-il également rendu service ?

« C’est clair ! J’avais joué contre beaucoup de filles, mais jamais été dans la même équipe. Forcément, c’est un peu intimidant quand on arrive. Savoir jouer ensemble sur un terrain, c’est aussi important, et on avait très peu de temps pour apprendre. Le fait que Chloé soit avec moi a été un plus dans l’intégration dans le groupe. On se connaît bien, c’est plus facile de discuter et ça ouvre des portes avec d’autres filles. Chloé a été un pilier de mon intégration, du bon déroulement du Mondial. »

 

Les observateurs vous classent parmi les grandes satisfactions chez les Bleues. Les stats vont aussi dans ce sens (près de 27 minutes jouées par match, 15 buts à 63 %). Estimez-vous avoir réussi ce qu’Olivier Krumbholz attendait de vous ?

« Je suis en partie contente de moi. J’ai été présente en défense, l’une des fabriques les plus importantes de l’équipe de France. J’ai essayé de tout donner, ç’a plutôt bien marché. Après, on n’est jamais complètement satisfait de soi. J’ai encore beaucoup de travail, cette compétition me le montre aussi. J’ai l’envie de travailler sur ce qui m’a manqué, ce qui n’a pas été complet pendant la compétition. »

 

Par exemple ?

« En début de compétition, je pouvais faire mes tirs préférentiels. Plus les matches avançaient, plus il a fallu essayer de varier, de donner des contre-indications aux gardiennes, puisque tout le monde fait de la vidéo, elles plus encore. On m’attendait sur mes spéciaux, je devais diversifier mon jeu. C’est ça qui me fera progresser dans mon club, et peut-être aussi en équipe de France. Il y a aussi les ailières des équipes adverses, qui prennent très peu d’angle par rapport au championnat de France. Même si j’avais fait beaucoup de vidéo, quand une ailière prend 50 cm d’angle, c’est impressionnant. Au final, on s’habitue, on essaie de tout faire pour ne pas qu’elle y aille. »

 

Quel a été le moment le plus jouissif de la quinzaine ?

« Je dirais quand on gagne contre le Danemark (23-22, demi-finale), que le buzzer sonne et qu’on se saute dessus parce qu’on va en finale. Une émotion de groupe. »

 

Et le plus stressant ?

« Le début du quart de finale (31-26 face à la Suède). Je n’avais jamais fait de match à KO, ça m’a apporté une pression particulière. »

 

La France a rencontré huit équipes européennes en neuf matches, n’a jamais gagné par plus de dix buts comme d’autres grandes nations (au hasard, la Norvège en première phase)… Votre parcours relativise-t-il les critiques entendues ici ou là sur le niveau d’un Mondial à 32 équipes ? Donne-t-il du relief à la médaille d’argent ?

« Souvent, certaines personnes se concentrent sur une finale perdue, alors qu’il y a quand même un beau parcours derrière. Les matches n’ont pas été faciles, on s’est battues pour arriver jusque-là. C’est aussi pour ça qu’on apprécie cette médaille. Sans dénigrer les autres équipes, on a eu une poule assez bonne (Angola, Monténégro, Slovénie), des très bonnes équipes au tour principal comme la Russie ou la Pologne (plus la Serbie). On ne pouvait pas s’économiser. »

 

Les Bleues se retrouveront courant mars. Au programme, deux France – Croatie comptant pour les qualifications de l’Euro. Pour en être, il vous faudra continuer à performer avec Besançon, en championnat et en Coupe d’Europe…

« Ce n’est pas parce qu’on a fait une compétition ou un stage qu’on sera prise au suivant. Je reviens dans une optique où j’ai envie de travailler mon physique, mes savoir-faire. Pour cela, il ne faut pas se reposer sur les acquis, essayer d’aller chercher les petits plus dans chaque secteur de jeu. Le retour aux affaires avec le club est aussi important. C’est mon quotidien. Je veux lui apporter le plus possible, tout en progressant individuellement. »

Grâce aux Bleues, Lucie Granier a changé de monde 

Mondial

jeudi 23 décembre 2021 - © Laurent Hoppe

 6 min 24 de lecture

Novice en octobre, vice-championne du monde en décembre. L’ailière droit de Besançon et de l’équipe de France a signé une entrée remarquée dans le contexte international. Malgré la désillusion finale, être rentrée d’Espagne une médaille d’argent autour du cou n’est pas pour lui déplaire.

2021, année finissante et très bien remplie pour Lucie Granier. En janvier, la Marseillaise de 22 ans signait son premier contrat professionnel (jusqu’en 2023) avec l’ES Besançon, futur troisième d’un championnat en grande partie disputé à huis clos, puis qualifié pour la phase de groupes de la Ligue européenne (à partir du 9 janvier prochain). Le 6 octobre, l’ailière droit vivait « à domicile » son baptême en équipe de France A, lors du lancement des qualifications à l’Euro (38-22 contre la République Tchèque, 3 buts). Deux mois et demi plus tard, elle compte douze sélections, assorties d’une médaille d’argent mondiale, dans les circonstances que vous connaissez… De retour sur la Canebière pour les fêtes (l’entraînement en club reprendra le 29 décembre), la benjamine des Bleues à Granollers (derrière Pauletta Foppa) débriefe sa première compétition internationale majeure. En longueur, en promenant son accent chantant.

 

Lucie, la seconde mi-temps de la finale de dimanche dernier (22-29 contre la Norvège) sera-t-elle un sujet à éviter à la table du réveillon de Noël ?

« Ce ne sera pas tabou ! C’est important de parler des bonnes choses, comme des mauvaises. La deuxième période nous servira pour plus tard. C’est aussi intéressant d’essayer de comprendre un minimum. Alors si ma famille me demande pourquoi, ça ne me dérangera pas d’en parler. »

 

A tête reposée, pouvez-vous mettre des mots sur cette défaillance qui vous coûte le titre ?

« J’y pense beaucoup, j’essaie de comprendre. Je ne saurais pas dire exactement le pourquoi, ni le comment… On a mis beaucoup d’ingrédients pour gagner les huit matches avant, on savait que la deuxième mi-temps (de la finale) serait très compliquée, que les Norvégiennes (menées 16-10 à la 29ème) auraient un sursaut d’orgueil. On n’a pas trouvé les moyens pour passer au-dessus, on a buté sur la gardienne, on jouait moins bien ensemble. Il ne faut pas enlever non plus le niveau et le palmarès des Norvégiennes. Quand elles ont élevé le curseur, ce n’était pas la même équipe. »

 

L’appréciez-vous tout de même, cette médaille d’argent ?

« C’est ma première médaille. On aurait préféré qu’elle soit en or, mais elle est quand même magnifique. J’en suis très contente, très fière. »

 

Intérieurement, comment avez-vous traversé ce championnat du monde ?

« C’est un mélange de plein d’émotions, assez compliquées à expliquer. Il y avait beaucoup de pression, d’excitation à l’idée d’entamer ce championnat-là. En quart de finale, l’émotion était différente des poules, parce les matches à KO étaient aussi une première. J’ai réussi à vivre le moment présent, à prendre du plaisir sur le terrain avec les filles, à essayer de donner le meilleur de moi-même. »

 

Comment une nouvelle venue s’imprègne-t-elle de l’état d’esprit du groupe France, de sa culture défensive ?

« En octobre, on était sept jeunes, on comptait sur la moitié de l’effectif pour avancer. Là, avec l’objectif du Mondial, c’était différent. Toutes les anciennes ont apporté un plus d’expérience. J’ai essayé de m’enrichir de tout ce qu’elles apportent, de l’énergie d’Alicia Toublanc (l’autre ailière droit du collectif) qui n’avait jamais connu de compétition internationale non plus, pour plonger dans ce bain. »

 

Avoir comme binôme de chambre Chloé Valentini, coéquipière à Besançon jusqu’à la saison dernière, vous a-t-il également rendu service ?

« C’est clair ! J’avais joué contre beaucoup de filles, mais jamais été dans la même équipe. Forcément, c’est un peu intimidant quand on arrive. Savoir jouer ensemble sur un terrain, c’est aussi important, et on avait très peu de temps pour apprendre. Le fait que Chloé soit avec moi a été un plus dans l’intégration dans le groupe. On se connaît bien, c’est plus facile de discuter et ça ouvre des portes avec d’autres filles. Chloé a été un pilier de mon intégration, du bon déroulement du Mondial. »

 

Les observateurs vous classent parmi les grandes satisfactions chez les Bleues. Les stats vont aussi dans ce sens (près de 27 minutes jouées par match, 15 buts à 63 %). Estimez-vous avoir réussi ce qu’Olivier Krumbholz attendait de vous ?

« Je suis en partie contente de moi. J’ai été présente en défense, l’une des fabriques les plus importantes de l’équipe de France. J’ai essayé de tout donner, ç’a plutôt bien marché. Après, on n’est jamais complètement satisfait de soi. J’ai encore beaucoup de travail, cette compétition me le montre aussi. J’ai l’envie de travailler sur ce qui m’a manqué, ce qui n’a pas été complet pendant la compétition. »

 

Par exemple ?

« En début de compétition, je pouvais faire mes tirs préférentiels. Plus les matches avançaient, plus il a fallu essayer de varier, de donner des contre-indications aux gardiennes, puisque tout le monde fait de la vidéo, elles plus encore. On m’attendait sur mes spéciaux, je devais diversifier mon jeu. C’est ça qui me fera progresser dans mon club, et peut-être aussi en équipe de France. Il y a aussi les ailières des équipes adverses, qui prennent très peu d’angle par rapport au championnat de France. Même si j’avais fait beaucoup de vidéo, quand une ailière prend 50 cm d’angle, c’est impressionnant. Au final, on s’habitue, on essaie de tout faire pour ne pas qu’elle y aille. »

 

Quel a été le moment le plus jouissif de la quinzaine ?

« Je dirais quand on gagne contre le Danemark (23-22, demi-finale), que le buzzer sonne et qu’on se saute dessus parce qu’on va en finale. Une émotion de groupe. »

 

Et le plus stressant ?

« Le début du quart de finale (31-26 face à la Suède). Je n’avais jamais fait de match à KO, ça m’a apporté une pression particulière. »

 

La France a rencontré huit équipes européennes en neuf matches, n’a jamais gagné par plus de dix buts comme d’autres grandes nations (au hasard, la Norvège en première phase)… Votre parcours relativise-t-il les critiques entendues ici ou là sur le niveau d’un Mondial à 32 équipes ? Donne-t-il du relief à la médaille d’argent ?

« Souvent, certaines personnes se concentrent sur une finale perdue, alors qu’il y a quand même un beau parcours derrière. Les matches n’ont pas été faciles, on s’est battues pour arriver jusque-là. C’est aussi pour ça qu’on apprécie cette médaille. Sans dénigrer les autres équipes, on a eu une poule assez bonne (Angola, Monténégro, Slovénie), des très bonnes équipes au tour principal comme la Russie ou la Pologne (plus la Serbie). On ne pouvait pas s’économiser. »

 

Les Bleues se retrouveront courant mars. Au programme, deux France – Croatie comptant pour les qualifications de l’Euro. Pour en être, il vous faudra continuer à performer avec Besançon, en championnat et en Coupe d’Europe…

« Ce n’est pas parce qu’on a fait une compétition ou un stage qu’on sera prise au suivant. Je reviens dans une optique où j’ai envie de travailler mon physique, mes savoir-faire. Pour cela, il ne faut pas se reposer sur les acquis, essayer d’aller chercher les petits plus dans chaque secteur de jeu. Le retour aux affaires avec le club est aussi important. C’est mon quotidien. Je veux lui apporter le plus possible, tout en progressant individuellement. »

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